Il faisait froid, vraiment très froid sur ce balais. Comme si les inconvénients de l’hiver n’étaient pas suffisant, il fallait que les deux jeunes meilleurs amis aient décidé de prendre le balais comme moyen de transport. Certes, la sorcière aurait très bien pu décider de rester à terre où la température était moins fraiche, mais l’idée de rentrer à pieds, sans Hyun Su après l’après-midi qu’elle avait passé ne lui plaisait que moyennement. C’était bien pour cela qu’elle se retrouvait dans cette position, à greloter le plus silencieusement possible afin qu’il ne s’en rende pas compte, collée au maximum au corps de son meilleur ami concentré sur le chemin à prendre. Le trajet fut bien silencieux, ce qui ne la dérangea cependant pas beaucoup, elle put même ainsi se remettre de l’alcool ingurgité au cours de sa réunion de préfets barbante. Même une fois à terre, aucun des deux ne prit la parole, et calmement, J suivit le yongwang qui se rendait visiblement dans le dortoir des garçons. Aucun des élèves de leur maison qui les croisa ne se posa de question quant à leur direction commune, à vrai dire ils avaient tous l’habitude de les voir se rendre dans la chambre de l’un ou l’autre, parce que tout le monde connaissait leur grande amitié sans complexe. Mais aujourd’hui, et chaque lendemain un peu plus, se rendre dans la chambre de Hyun Su devenait plus difficile.

La préfète eut à peine le temps de pénétrer dans la pièce qu’elle sentit les bras du jeune homme s’enrouler autour de se taille, et en un instant, elle se retrouva dans ses bras puis balancée comme un tas sur le lit de celui-ci. Si pendant l’espace d’une seconde elle avait eut l’impression d’être un vulgaire sac à patates, son sourire lui revint rapidement et elle s’étala de tout son long sur ce lit qui lui étai tant familier. Alors que Hyun Su semblait occupé avec son balais, Hwa Jin prit un moment pour repenser à tout ce qui avait pu se passer, ne pouvant éviter de se demander si les choses allaient être différentes désormais, et surtout maintenant. Alors qu’elle s’apprêtait à fermer les yeux, prise d’un coup de fatigue, la main de son meilleur ami vint la déranger, soulevant sans douceur sa tête de l’oreiller. Avant qu’elle n’ai eut le tems de contester, J vit le rat de compagnie tout juste sauvé d’une mort certaine. «Pourquoi faut-il que tu tentes de le tuer à chaque que tu es dans ma chambre hein? Je te signale qu'il habite ici lui! » La jeune femme n’avait absolument rien contre Ice – elle aimait d’ailleurs beaucoup trop les rats pour leur vouloir du mal – mais elle ne pouvait nier qu’il était plus amusant de l’embêter lui que son Roméo adoré. Elle prit alors un air outré et tira la langue au rat cendré, maintenant perché sur l’épaule de son maitre. « Tss. J’y peux rien moi si ton rat est suicidaire ! Et puis je te signale que j’ai autant ma place ici que lui. » Ou pas hein. Mais ça c’était une autre manie de la belle : sa capacité à se sentir chez elle n’importe où, sans aucune gêne.

Le silence retomba, et les doutes reprirent possession de l’esprit de J. Il était là, assis tout près d’elle, il la regardait, et elle savait pertinemment que les problèmes ne feraient que commencer. Elle avait l’habitude de se faire – gentiment – disputer par Hyun Su mais pour cette fois, elle craignait fortement l’apparition d’un certain débat qu’elle préférait éviter à tout prix. Le regard baissé sur le lit, elle attendit sagement qu’il ne s’y mette, dessinant des ronds sur le drap avec son index. «Kim Hwa Jin, tu es accusée des crimes suivants:» Et voilà, c’était parti. « Récidive d'immoralité en public, état d'ébriété en un lieu malfamé, port de vêtements inappropriés dans ce-dit lieu malfamé, attitude obscène dans ce-dit lieu malfamé. » Jusque là il n’y avait aucun soucis particulier, ce genre d’accusations étaient habituelles et y répondre serait un jeu d’enfant. Ce qui le serait moins par contre, c’était ce qui arrivait. «Agression buccale sur la personne de Han Hyun Su, attentat sur la conscience de Han Hyun Su, complice dans la libération de Black Hyun et enfin, tentative récidiviste de meurtre sur la personne de Ice, rat magnifique et sublime de compagnie de Han Hyun Su. » Aouch, il avait visé le point sensible, ça pour le coup, c’était vraiment mauvais. Une petite grimace s’afficha sur le visage de Hwa Jin qui commença à chercher une solution, tout en continuant d’écouter le discours du jeune homme. «Tu n'as pas droit à un avocat parce que tu as commis des actes inédits. Tu devras donc répondre de tes actions. Je tiens à te dire que quoi que tu dises pour ta défense, tu seras tout de même condamnés par le tribunal Han. Maintenant que je t'ai exposé tous les chefs d'accusations retenus contre toi, nous pouvons passer à la partie ou tu dois me donner des explications et, accessoirement, te défendre. Premièrement, qui sont ces-dits amants? Deuxièmement, pourquoi refuses-tu de prendre de conscience que tu es une vraie beauté stupide qui peut être vulnérable quand tu bois trop? Pourquoi tu persistes à faire des choses qui me mettes en colère? Et enfin...une question dont la réponse va vachement m'intéresser...pourquoi m'as-tu embrassé? »

Plusieurs solutions s’offraient maintenant à la yongwang : partir en courant de cette chambre – elle avait peut-être une chance de le semer -, lui donner un coup de poing pour le faire taire – cette idée ne lui plaisait pas vraiment -, lancer un sortilège quelconque pour l’aider à se sortir de sa situation d’accusé ou malheureusement, répondre avec franchise. «Tu sais déjà que tu n'as aucune échappatoire. Ne t'avises donc pas d'essayer. Ah oui! Il va sans dire que tu dois dire la vérité... Je t'écoute princesse... » C’est qu’il savait y faire, le bougre. Lui lancer son petit sourire charmant, l’appeler princesse, en fait il avait déjà tout manigancé pendant le trajet. J prit alors une immense inspiration et souffla bruyamment tout cet air. « Quand faut y aller… faut y aller. » Un petit sourire coupable, et la défense se mit en route. « Tu sais que j’adore m’amuser, tester mes limites, me mettre en danger. Ça m’excite, c’est plus fort que moi. T’auras beau m’accuser encore et encore de me mettre dans un sale état, ça changera rien. J’ai toujours fait ça, ça fait partie de moi. Ça me fait chier que ça puisse te déranger, vraiment, mais pour le coup, je peux rien de plus pour toi. » Ça, c’était dit. « Mes amants, mes amants… J’étais vraiment sérieux monsieur Han ! Tu ne saura rien à ce sujet, question de confidentialité. Et puis t’en fais pas, j’ai exagéré pour t’emmerder tout à l’heure. Je suis une grande fille hein, si un mec est suspect tu sais qu’il est plus en danger que moi. » C’était le moins qu’on puisse dire, si il y avait vraiment une fille qu’un pervers devait éviter de venir embêter à akiwa, c’était bien Hwa Jin. Une violente dans l’âme quand elle s'y met. Il restait maintenant le point le plus problématique. Et il n’y eut rien d’étonnant à ce que le silence retombe subitement. Mentir, J détestait ça au plus haut point, encore plus si cela devait être à son meilleur ami, mais comment pouvait-elle avouer ses raisons dans cette situation ? Le tout était de dire la vérité tout en omettant le plus important, en gros, rien qui n’irait contre ses principes. Mais puisque ce n’était pas quelque chose d’évident, elle dut trouver une diversion qui lui permettrait de réfléchir à une réponse satisfaisante pour Hyun Su.

L’oreiller à côté d’elle ? Oui, ça ferait l’affaire. J l’attrapa toujours aussi silencieuse et avec un sourire mesquin sur le visage, l’amena jusqu’au visage très sérieux de son meilleur ami. C’est vrai que ce n’était pas le meilleur moment pour une bataille d’oreiller, mais c’était tout ce qu’elle avait pu trouver pour l’aider à s’en sortir. Il allait surement lui en vouloir d’avoir fait ça, mais tant pis, c’était pour la bonne cause après tout. N’est ce pas ? Histoire de ne pas rendre son geste bizarre, Hwa Jin éclata de rire – de toute façon, la tête surprise de Hyun Su était trop amusante – et remit le coussin à sa place. Durant ces quelques instants de répits, son cerveau se mit en marche rapide. « Rah, c’était trop tentant. T’aurais dû voir ta tête. » Allez, elle pouvait le faire et reprit la parole après avoir réussi à calmer son rire. « Non mais, pour revenir à notre conversation… Je pensais pas que t’embrasser te troublerais autant. J’étais possédée par ma chanson et puis jsais pas, ton visage était tout près du miens, j’ai pas compris ce qui se passait. J’ai eu une envie soudaine de faire ça. » Ce fut alors à son tour de se poser une question quant à l’attitude de son meilleur ami à Queezard's Drinkery. « Et puis, toi aussi tu m’as embrassé après. Pourquoi ? »

Pour quelqu’un qui voulait éviter le sujet, c’était raté. Voilà ce qui se passait quand on était trop curieux. Mais par chance, une opportunité de changer de sujet de conversation se présenta à elle. Le Ice bien aimé de son meilleur ami n’était plus sur son épaule. « Oh ! Ice est plus là. Tu crois que je l’ai envoyé valser quand je t’ai donné le coup d’oreiller ? » Sans même attendre une réponse de Hyun Su, la sorcière se leva et sauta du lit, se lançant à la recherche du rat cendré. Maintenant à quatre pattes sur le sol, elle cria le nom de l’animal, tout en secouant sa tête de tous les côtés.

Était-ce une simple impression, ou l’expression des yeux de son très cher meilleur ami devenait-elle de plus en plus féroce ? A la base, prendre la défense de son cas comme ça n’était pas une chose très facile pour Hwa Jin, mais si en plus il se mettait à la regarder de cette façon, elle n’arriverait sûrement jamais jusqu’au bout de ses explications. Elle en devenait carrément paranoïaque, à chacun de ses petits mouvements, son cerveau semblait mettre son corps en mode défensive, comme s’il était prêt à sauter sur elle, mais non. Malgré le tas de choses exaspérantes qu’elle était en train de lui balancer à la figure il ne faisait rien, il était en train de bouillir intérieurement ça se voyait, mais il ne montrait pas plus de réaction. N’importe qui aurait préféré qu’il agisse ainsi, mais J pas du tout. A vrai dire, lorsque Hyun Su contenait trop sa colère de cette façon c’était même une très mauvaise nouvelle. Mais ça ne pouvait pas être possible, Black Hyun avait déjà pointé le bout de son nez dans l’après-midi, jamais il n’était réapparu plusieurs fois dans la même journée. Oui, c’est ça, elle devenait paranoïaque, il ne fallait pas trop s’en faire.

«Quoi? Non mais sérieux tu te fiche de moi là? Tu le fait vraiment exprès hein? Possédée par la musique? A d'autre tu veux! La seule chose qui est capable de faire planer c'est la drogue. Alors trouve une meilleure excuse que celle là. Sache que je ne suis pas l'un des gigolos avec qui tu t'envoie en l'air. Alors, s'il te plait, trouve autre chose pour te défendre ou alors ne dit rien, ce sera déjà plus crédible tu vois. Pourquoi je t'ai embrassé?...» Et une nouvelle claque dans la figure pour la belle préfète. Pourquoi avait-il toujours cette manie horrible de la remettre à sa place ? Personne ne faisait taire Kim Hwa Jin de cette façon. Ah. Il ne laisserait donc jamais l’affaire avec son penchant pour la consommation de produits illicites, mais quand comprendrait-il ? Quand arriverait-il à admettre qu’elle n’avait rien d’une droguée ? C’est vrai qu’elle n’était pas un parfait petit ange, mais personne ne l’était, et surement pas lui. A l’entendre parler ainsi d’elle, la jeune femme se sentit profondément blessée. Elle ne lisait que de la haine dans les paroles de son meilleur ami, l’image qu’il avait d’elle semblait si sale qu’elle se sentit soudainement mal dans sa peau. Son expression resta figée l’espace d’un instant, encaisser tout ça était assez dur. C’en était tellement éprouvant qu’elle aurait pu rester encore longtemps de cette façon, mais Hyun Su prononça des mots qui la sortirent de son état. Il s’apprêtait à lui donner ses raisons qu'il l'avait poussé à l'embrasser plus tôt, parce qu’elle le lui avait demandé, mais en fin de compte, elle n’était pas prête. Il était absolument hors de question qu’il termine la phrase qu’il venait de commencer si Hwa Jin tenait à sa stabilité mentale, c’est ainsi qu’elle le coupa à nouveau dans son élan. Mais ça, elle allait le regretter.

Lui avoir balancé cet oreiller sur la figure était vraiment la pire idée qu’elle ait eu depuis des semaines, et ce sur plusieurs points. Non seulement cet acte avait brisé toute crédibilité dans sa défense auprès de son sévère chef d’accusation, mais en plus cela, son attaque débile et irréfléchie avait causé la perte d'Ice. Et qu’est ce qui est le plus important aux yeux de ce cher Han Hyun Su ? Ice, Bingo. Se rendant compte de l’erreur qu’elle venait de comettre, J se lança à la recherche de l’animal de compagnie en espérant le trouver rapidement quand la main puissante de son meilleur ami vint lui attraper les cheveux. Un petit aïe s’échappa d’entre ses lèvres, puis forcée à le regarder, elle garda une expression crispée. «Dis-moi jeune écervelée...je te prie...dis-moi que tu n'as pas fait ce que tu viens de faire. Je te conseille de le dire, car...si tu venais vraiment de faire, ce que tu viens de faire...je te jure que...je t'arrache la tête afin de jouer au quidditch avec...en tant que cognard bien évidemment. » Si la conversation n’avait pas concernée le Ice tant aimé de Hyun Su et que celui-ci n’était pas en train de lui arracher littéralement le cuir chevelu, Hwa Jin aurait sûrement rigolé. C’était le genre d’enchainement logique mais impossible à suivre que son père utilisait lorsque lui aussi la disputait petite, et qui bien sûr, la rendait toujours hilare. Mais là, il n’y avait pas de quoi. Pas du tout même. Plus la prise du jeune homme se faisait forte, plus les dents de la belle s’enfonçaient dans sa lèvre inférieure maintenant rougit par la douleur. Histoire de rendre la menace plus réelle qu’elle ne l’était déjà, Hwa Jin se retrouva avec la baguette de son meilleur ami pointée sur la tête. C’était une situation pour le moins… déstabilisante. L’insulter en retour ? Ça ne servirait à rien. Rien ne servait lorsqu’il était comme cela de toute façon. «Toi qui t'envoie régulièrement en l'air avec Ho Young» Ho Young ? Qu’est ce que son nom venait faire ici ? J avait beau y réfléchir, elle ne voyait aucun rapport avec Ice. «...tu dois sans doute savoir...à quel point les autres membres de sa maison sont ignobles, odieux et totalement dépourvu du moindre scrupule non? Alors laisse-moi te dire...ou te rappeler ce que tu dois craindre actuellement. Qu'importe...toutes les atrocités que les ineos peuvent commettre...dis-toi ou rappelle toi...que Black Hyun dépasse largement le faible niveau de méchanceté de nos chers amis ineos. Bien que tu sois une femme, préfète, magnifique et incroyablement sexy... si jamais, tu ne retrouve pas Ice...disons...dans les deux minutes qui suivent...je ne garantis absolument pas ta présence sur cette terre après les dites, deux minutes. Si par hasard...tu as l'idée de riposter, belle Hwa Jin...sache que je ne regardais pas les années que nous avons passés ensemble toi et moi, mais, en revanche, je me jetterais corps et âme dans le duel. Tu sais que j'adore les duels...surtout parce que je ne perds jamais... » Tout de suite, c’était plus clair. Muette, la préfète planta son regard de braise dans les yeux de son meilleur ami, dont le visage frôlait le siens. Pas un battement de paupière, il devait savoir qu’elle non plus n’avait pas peur. Devoir se battre en duel contre lui ne l’enchantait pas, mais elle ne le craignait pas. Avoir peur c’était totalement inutile, et ce qui ne sert à rien, on s’en débarrasse rapidement. Toujours sans un mot, elle suivit du regard la main de Hyun Su passer dans ses cheveux, puis elle s’arrêta sur son sourire. Elle pouvait être au moins rassurée, il semblait toujours l’aimer. « Tu peux compter sur moi. »

Lorsque Hwa Jin desserra ses dents de sa lèvre afin de répondre au yongwang, une marque de sang apparu au coin de sa bouche. Voir ça, c’était comprendre qu’elle s’était retenue de tout acte de violence, et ça, Hyun Su le savait pertinemment. Le visage de la jeune femme se durcit alors, elle ne prenait pas les paroles de son meilleur ami à la légère. C’est pourquoi, elle se remit à la recherche de son animal de compagnie toujours perdu dans la grande chambre. Oui tiens, d’ailleurs elle était tellement grande qu’elle n’arriverait jamais à trouver Ice en continuant à le chercher à quatre pattes en deux minutes. Elle devait réfléchir. Sa tête pivota vers Hyun Su, puis elle se mit à examiner sa position. Elle essaya de se visualiser la zone où le rat avait pu atterrir grâce à la façon dont elle avait frappé le visage du yongwang. L’oreiller venait de la droite, il ne pouvait donc pas être à l’endroit où elle se trouvait à ce moment. Il devait même être à l’opposé. La sorcière se releva, marcha dans la direction qu’elle avait repérée et soupira quand elle se rendit compte qu’il n’y avait aucune trace de l’animal. En quelques secondes, elle se retrouva à nouveau par terre à chercher désespérément la source du conflit. « Ice mon mignon, viens voir tata J ! » roucoula-t-elle. Et il fut évident que rien ne bougea autour d’elle. Ce rat était un ingrat, après toutes friandises qu’elle lui avait donné, il trouvait le moyen de l’ignorer. Comme quoi, c’était rancunier ces petites bêtes. C’est alors qu’elle entendit un petit crissement. Avec une étrange rapidité, Hwa Jin tourna sa tête vers l’endroit d’où provenait le bruit et c’est là qu’elle aperçut quelque chose d’intéressant. Le bout de la longue queue d’Ice dépassait légèrement de l’armoire d’un des camarades de Hyun Su. Avec un petit sourire triomphant d’affiché, J s’avança vers lui comme un léopard le ferait avec une proie, puis avec énormément de précision, elle l’attrapa avant qu’il n’aille se cacher plus loin. « Ah ! Je t’ai ! » Elle n’avait aucune idée du temps qui s’était écoulé depuis, mais au moins, il était sain et sauf dans sa main. Avec délicatesse, elle ferma légèrement son emprise sur son corps poilu afin qu’il ne saute pas, puis elle se releva et se dirigea vers son meilleur ami, toujours sur le lit. Une fois face à lui, elle tendit la main dans laquelle son animal de compagnie se trouvait, puis lui sourit. « Il est même pas blessé. »

En revanche, Hwa Jin était elle beaucoup moins en état que le rat. Quand celui-ci quitta sa main, elle remarqua d’un air outré la poussière qui s’était installé sur son pantalon lorsqu’elle s’était baladée sur le sol. C’est vrai que ce n’était pas une façon de se déplacer, mais tout de même, les elfes de maison n’étaient pas vraiment efficaces. Après avoir râlé, elle s’épousseta puis reporta son attention sur Hyun Su. Elle le regarda à nouveau dans les yeux, puis ajouta : « Tu m’excusera mais, je ne perds pas non plus. Encore moins contre toi. » Et sans ajouter un mot, elle vint le frapper au visage. De tous les coups de poing qu’elle avait pu mettre dans sa vie, celui-ci fut le plus douloureux. Mais ce n’était pas à la main qu’elle souffrait, c’était au cœur. Après ce qu’il venait de lui dire et ses menaces, Hyun Su méritait entièrement ce coup, mais quand même, elle l’aimait. Il n’y avait qu’elle pour frapper les gens à qui elle tenait, n’est ce pas ? Silencieuse, elle s’installa à côté de lui sur le lit et esquissa un petit sourire à son égard. « On est quittes maintenant, hein ? » A peine eut-elle finit sa phrase qu’Ice monta le long de son bras pour se nicher au creux de son cou où ses cheveux lui tenaient chaud. « Tu vois, même Ice est d’accord avec moi. »

Regretter ce qu’elle venait de faire ? Jamais de la vie. Avouer qu’elle venait de porter un coup à son meilleur ami était dur à accepter, mais il était hors de question de lui faire admettre qu’elle était en tort. Tout simplement parce que ce n’était pas du tout le cas. C’était aussi simple que ça. Il la blessait, elle le blessait, c’est comme ça qu’elle marchait. Ce trait de caractère bien ridicule ne lui plaisait guère mais avec le temps, elle avait finit par comprendre qu’il était gravé en elle pour toujours. De la rancune, un sentiment bien laid. Peut-être que dans cette situation, lui renvoyer ses quatre vérités en face aurait été plus judicieux mais ça, Hwa Jin en était incapable. C’était une sorte de réflexe chez elle, comme lorsque l’on porte un léger coup au niveau de la rotule et que le bas de la jambe se lève. C’est à peu près pareil pour elle, sauf que c’est son poing qui se lève. Rancune, impulsivité violente. Bizarrement, Hyun Su venait de lui reprocher beaucoup de choses, mais pas celles-ci. Si il y avait bien une chose qu’elle ne comprenait pas, c’était bien cela. A ses yeux, ses deux défauts étaient plus terribles que de boire un peu – beaucoup – et que de fumer de temps à autre. Malheureusement pour elle, elle ne saurait jamais ce qui dérangeait tellement le jeune homme là dedans, elle n’avait jamais rien obtenu de lui de ce côté-là si ce n’était des avertissements quant à sa mort proche certaine.

«Non, nous ne le sommes pas. » Pourquoi avait-elle l’horrible sensation qu’elle venait, encore une fois, d’agir bêtement ? Comme si, pour changer, elle venait de briser toutes ses chances d’effacer sa longue ardoise de fautes. Ce regard, elle le connaissait bien. Ça devait même d’ailleurs être la seule chose qui lui fasse vraiment peur, cet affreux regard qui lui donnait l’impression d’être le cauchemar de son meilleur ami. Un frisson d’effroi lui traversa le corps, tandis qu’elle avala difficilement sa salive, le teint livide. En voulant faire d’eux les deux gagnants de cette bataille stupide, il semblait qu’elle ait au contraire relancer les dés. Et à ce qu’elle pouvait voir de l’expression de son meilleur ami, le combat serait rude. C’est ce qu’elle continua de croire, attendant chaque seconde qu’il ne réagisse en lui rendant son coup, en la blessant psychologiquement ou en lui lançant elle ne savait trop quel sort dangereux. Mais non, il ne fit rien de tout ça. Toujours aussi stoïque, toujours aussi terrifiant. Les yeux de J se mirent à faire des allés et retour entre lui et son rat, délicatement posé sur le coussin un peu plus loin. C’était assez clair comme message ça, n’est ce pas ? Mais sincèrement, la yongwang ne tiendrait pas longtemps. Rester sur la défensive comme ça était plus insoutenable que de devoir recevoir son attaque. Elle n’était pas vraiment habituée à ce que l’on agisse comme cela avec elle. Généralement, lorsque Hwa Jin se retrouvait confronté à des personnes comme elle l’était actuellement avec Hyun Su, soit ils répliquaient par un coup qui finissait au final par une bagarre, soit ils s’excusaient. Alors pour le coup, elle était vraiment déstabilisée par cette attitude. Et quelle fut sa surprise lorsque le jeune homme se leva, sans dire un mot, en se dirigeant vers la fenêtre grande ouverte qui se trouvait derrière elle. Prise d’un coup de panique, elle se retourna vivement, et bloqua sa respiration le temps de comprendre qu’il ne faisait que respirer l’air extérieur. Quel idiot. Il venait de lui faire peur. Alors c’était donc ça la tactique qu’il allait employer ? Jouer avec ses nerfs jusqu’à la rendre folle ? Comment pouvait-il lui faire ça ? Comment en étaient-ils arrivés là ? N’importe quelle personne qui leur était inconnue aurait du mal à dire à cet instant en les voyant qu’ils étaient tous deux meilleurs amis. Mais ils l’étaient toujours, n’est ce pas ?

«Game over...je ne joue plus. C'est fini. » Comment est-ce qu’on appelle ça déjà ? Ah oui, le coup de grâce. Oui c’était exactement ça, Hyun Su venait de l’achever. S’il n’était pas vraiment violent avec elle, il était tout autant efficace. L’estomac de la jeune femme se noua, sa gorge se serra, quant à ses yeux ils se mirent à bruler dangereusement. Tristesse ? Colère ? Sûrement un peu des deux. Le yongwang était drôlement injuste avec elle. Il l’était tous. Parce qu’elle était celle qui ouvrait sa bouche le plus vite, il était bien évidemment plus facile de la désigner comme le vilain petit canard de l’histoire. Mais bon sang, il n’avait pas été tout blanc non plus aujourd’hui. Pourquoi diable devait-elle toujours être celle qui devait assumer toutes les responsabilités de la situation ? Sans bouger, Hwa Jin brisa le lourd silence qui commençait maintenant à peser. « Alors quoi ? Toi tu peux te permettre de me faire du mal, de me dire des choses affreuses, mais moi je ne peux pas exprimer mon mécontentement ? » lâcha-t-elle d’un ton déterminé.

J était loin d’avoir finit de parler, mais parler dans le vide ne lui plaisait pas, elle devait le voir. Elle devait voir les traits de son visage se transformer selon ses paroles. Elle voir la façon dont il réagirait à ce qu’elle s’apprêtait à lui dire. Elle devait maintenant être certaine qu’il ne se fiche pas éperdument de ce qu’elle pouvait raconter, qu’est-ce qui lui disait qu’il était en train de l’écouter en ce moment après tout ? Rien. C’est pourquoi elle se leva du lit, laissant le rat cendré seul sur son coussin, puis elle s’avança vers la fenêtre où Hyun Su se trouvait. De part sa largeur, elle eut amplement l’espace suffisant pour y passer, enjambant la bordure pour aller poser ses pieds sur le rebord qui longeait le mur. C’était haut, mais elle n’avait pas peur du vide. Encore un de ces trucs qui lui donnaient des frissons d’aventure et qu’elle aimait tant. Ainsi, elle commença à se déplacer, marchant tranquillement sur le bord en pierre. « T’aurais dû savoir que ce qui est arrivé à Ice était involontaire. Oui j’aime l’embêter, mais non, ça ne me viendrait pas à l’idée de le balancer consciemment à travers la pièce. J’ai un cœur quand même. » Tout en faisait des aller et retour vers son ami, Hwa Jin continua de parler jusqu’à ce que son pied ne glisse légèrement sur le côté arrondi du bord, manquant de trébucher. Par chance, ses réflexes étaient bons, et elle parvint à retrouver l’équilibre rapidement en s’accrochant contre le mur. Elle lança un regard furtif à Hyun Su, espérant qu’il n’ait pas fait attention, puis elle décida qu’il était plus judicieux de venir s’asseoir sur la bordure de la fenêtre, à ses côtés. « Tu ne crois plus en l’existence de ce cœur ? Tu refuses d’admettre qu’il puisse souffrir de ton absence et jouir de ta présence ? Han Hyun Su, je t’interdis de me dire que c’est terminé. » Elle marqua alors une petite pause avant de répondre de sa voix douce. « J’en veux pas de cette victoire à deux balles si celle-ci nous sépare au final. Parce que t’es plus important pour moi que tu ne sembles le croire. »

Même si au court de toutes ces années qu’ils avaient passé ensemble, J lui avait dit de maintes fois qu’elle était attachée à lui ou quelque chose qui y ressemblait, jamais ça n’avait été dit avec autant de sérieux. Voilà qui était fait, elle pensait que le moment était propice. « D’accord j’ai été conne aujourd’hui, encore plus que d’habitude. Mais qu’est ce que je dois faire ? Laisse-moi te faire comprendre que je ne fais pas ça pour t’emmerder. » Elle laissa échapper un soupir, puis reprit. « Laisse-moi te montrer pourquoi je suis ta meilleure amie depuis si longtemps maintenant. Tu veux que j’arrête de fumer ? Si c’est ça que tu veux, alors dans ce cas, plus de joints pendant les soirées. Allez, dis-moi. Dis-moi que je te le prouve une bonne fois pour toute. »

(désolée pour le temps de réponse, petite panne e.e)


Des paroles aussi profondes et sincères n’étaient pas sorties de la bouche de Hwa Jin depuis un certain temps, de nombreuses années pour être plus clair. En fait, la dernière fois qu’elle avait eu l’occasion de livrer ce qu’elle avait sur le cœur, comme elle venait de le faire pour Hyun Su, c’était pour son père. A cette époque, il avait été gravement blessé par sa faute et jamais, jamais il n’avait été aussi sévère avec elle. Malgré son chagrin, ses supplications et sa déclaration d’amour, il n’avait pas pu céder à sa requête. Il était parti. Parti de la maison en la laissant seule avec sa mère. Même si cette dernière avait pu de nombreuses fois lui dire qu’elle n’était en rien responsable dans la décision de son père, Hwa Jin n’avait jamais cessé de se sentir coupable. Aussi, à peine eut-elle fini de faire parler son cœur que cet horrible souvenir vint la hanter. Toujours sur le rebord de la fenêtre, elle baissa les yeux dans le vide et observa les êtres minuscules qui défilaient au pieds du château. C’était haut. La chute du cinquième étage devait probablement être très douloureuse. Mais est-ce que cela pouvait la faire souffrir autant que ce que son meilleur ami était en train de lui faire endurer ? Sûrement que non. Au moins, ce serait un choc rapide et bref. Alors que lui, oui son meilleur ami, prenait à malin plaisir à la torturer en douceur et avec habilité qui plus est. Elle avait arrêté de parler depuis plus d’une minute déjà, et il n’avait pas encore donné de réponse. Son optimisme habituel lui aurait fait penser qu’il cherchait simplement ses mots, mais cette fois-ci, elle en douta fortement. Pourquoi ? Parce que l’expression de son regard ne changea pas le moins du monde. Elle parlait dans le vide.

«Je n'en ai rien à faire. Je te le répète. C'est fini. » Cette phrase eut le même effet qu’un coup de couteau dans l’estomac. Elle avait espéré que la première fois qu’il l’avait dit n’était qu’une erreur, qu’il ne l’avait dit que sur le coup de la colère, mais là, ça faisait trop. Les choses devenaient plus réelles, donc plus douloureuses. A vrai dire, J ne comprenait vraiment plus rien à rien. La personne à ses côtés semblait être le plus parfait des inconnu, ou alors quelqu’un qu’elle avait connu un jour mais qui avait finit par disparaitre lentement de sa mémoire. C’était inacceptable. Parce qu’au fond d’elle, elle savait qui il était, ce qu’il représentait pour elle, et elle tenait à briser cette nouvelle image de lui qui commençait à se créer devant ses yeux pétrifiés. Silencieusement, elle le suivit du regard lorsqu’il s’éloigna d’elle, comme si de rien n’était, le plus naturellement du monde. Elle lança un regard désespéré vers Ice, comme si un rat était en mesure de lui venir en aide dans une telle situation. Si seulement. Elle qui était d’ordinaire du genre à toujours vouloir se débrouiller par elle-même, donnerait n’importe quoi à cet instant pour qu’on vienne à sa rescousse. Mais y avait-il seulement quelqu’un pour venir lui rendre la raison ? Il semblait que non. Oui, c’était ça. Ils devenaient tous les deux fous. Mais si c’était le cas, Hwa Jin était prête à l’accepter, à condition de pouvoir se retrouver dans la même chambre d’isolement que lui. Rien n’importait tant que Hyun Su était là. Parce qu’il était son meilleur ami. Parce que depuis quelque temps elle l’aimait plus qu’elle ne le devait. C’était pourquoi son cœur lui faisait si mal. Et c’était également la raison qui l’avait toujours poussée à ne jamais céder à l’amour, à ne jamais rester trop longtemps avec le même jeune homme, parce que devenir dépendant de quelqu’un à ce point c’était du suicide.

Et si elle n’avait jamais autant aimé, elle ne s’était jamais sentit autant détestée non plus. C’était de pire en pire. Le yongwang n’avait vraiment pas l’air de prendre les choses à la légère. Il lui avait dit qu’il ne lui parlerait plus et c’était bien vrai. Alors qu’elle était revenue à l’intérieur de la chambre pour s’asseoir en tailleur sur le lit, il trouvait le moyen de nier sa présence, d’agir comme s’il avait été en seule compagnie de son rat. Les lèvres closes comme jamais, J suivait chacun de ses gestes avec beaucoup d’attention. Elle ne comprit pas bien tout de suite ce qu’il était en train de faire avec la latte, puis elle parvint à déchiffrer ses mouvements. Il était en train de démarrer une activité totalement délirante. Des potions ? Maintenant ? Soudain, elle entendit le son de sa voix qui vint illuminer son regard. Malheureusement pour elle, ses mots ne lui étaient pas adressés. Il parlait à Ice. Il parlait à son rat d’un ingrédient de potion, alors qu’elle attendait avec la plus douloureuse des impatience derrière lui qu’il ne daigne la regarder. Des minutes entières s’écoulèrent, et toujours rien. Rien, rien de rien. Les poings de la jeune fille se resserrèrent et avec la force qu’elle y mit, il ne leur fallu pas longtemps pour prendre une couleur violette. C’était soit ça, soit la housse de couette était déchirée. Et d’après elle, ce n’était vraiment pas une bonne idée. Elle devait à tout prix faire profil bas et ne pas toucher les affaires de Hyun Su. Ne rien abimer surtout, en fait, ne rien faire qu’il pourrait lui reprocher par la suite. Contenir sa respiration devenait de plus en plus dur, si bien que Hwa Jin dut se résoudre à se lever et à quitter la pièce. Une fois dans le couloir, elle laissa échappa un lourd gémissement et frappa violemment dans le mur opposé. Un petit groupe d’élèves qui passait à ce moment là sursauta et accéléra le passage, mais elle s’en fichait. Elle avait même déjà oublié qu’ils étaient passés. Quand son calme revint, peu de temps après puisque le coup qu’elle avait porté l’avait libéré de toute pression, elle entra à nouveau dans la chambre. Et bien évidemment, il n’avait toujours pas bougé.

« Tu n’es qu’un sale égoïste. Tu ne réfléchis pas plus que moi tout compte fait. Qui crois-tu punir en agissant comme ça ? C’est vrai que tu me fais souffrir comme tu le désires, mais tout ça, c’est sur toi que ça va se répercuter. » Il ne voulait toujours pas répondre ? Et bien, soit, elle n’abandonnerait pas. Kim Hwa Jin n’abandonnait jamais. « Je dois être la personne qui tient le plus à toi sur cette fichue Terre, et tu le sais. Alors tu vois, si tu décides de me détruire comme tu le fais, tu vas te retrouver seul. Il n’y aura plus personne parce qu’il n’y aura plus une personne capable de faire les sacrifices dont je suis moi-même capable pour toi. C'est ça que tu veux ? » Sur ce, elle s’avança avec beaucoup d’énergie vers lui pour lui faire face, assise sur les genoux, son regard planté dans le siens. « Je ne quitterai pas cette chambre tant que tu n’aura pas arrêté ça. Il n’y a pas que moi que tu bousilles là, y a toi aussi. Et si jamais tu venais à te rendre dans un autre endroit, j’irai aussi. Tu m’entends ? Je te suivrais jusqu’au bout. Parce que tu n’es qu’un idiot cruel en ce moment mais que j’ai besoin de toi autant que tu as besoin de moi. »

Voilà, c’était sorti. La dernière plainte d’une jeune femme blessée que le désespoir gagnait de plus en plus. Il était très réaliste de la comparer à un monstre, quand on savait que ces derniers ne tiraient leur cruauté que d’expériences douloureuses. Et rien n’est plus féroce et incontrôlable que l’honneur et les sentiments d’une femme bafouée. A ce fait tout bonnement indiscutable, on pouvait ajouter le fait que la femme en question ce jour-là, c’était Hwa Jin. Préfète provocatrice et sans gêne de la maison des délinquants d’akiwa, si on pouvait dire cela comme ça. Bien qu’elle ne souhaitait en rien faire du mal à son meilleur ami, elle savait au fond d’elle-même qu’elle ne pourrait pas stopper ses poussées d’agressivité. A genoux devant lui, elle ne s’était jamais sentie si tendue, autant sur la défensive. Elle avait autant peur de la réponse de Hyun Su que de sa propre réaction. Malheureusement, le premier engendrait immédiatement le second. Il suffisait qu’il l’ignore une fois de plus, qu’il lui dise de se taire une nouvelle fois, et elle commettait la plus grosse erreur de sa vie. Il ne mit pas énormément de temps à réagir à ces derniers paroles, mais le peu de secondes qui s’écoulèrent lui parurent être une éternité. Une longue éternité que le sourire de son meilleur ami vint briser, afin de la ramener dans le présent. «Je te demande pardon jeune écervelée alcoliquement droguée, mais quand tu te tapes je-ne-sais-qui après que tu aie bu je-ne-sais-combien-de-litres et fumé je-ne-sais-combien-d'herbes-empoisonnées je t'emmerde pas. Alors si j'ai envie de me détruire, je le fait point. Après tout, quand je te dis d'arrêter, tu m'écoutes deux minutes avant de faire comme si je n'avais absolument rien dit. Je sais, je me répète et peut-être que je deviens sénile, mais je m'en fiche. Je fais comme toi très chère dragonne, je fais ce que je veux! » Si ces premiers mots avaient réussi à provoquer un état de soulagement chez la jeune femme, la suite fut beaucoup moins glorieuse. Ce qu’il venait de lui faire là, c’était un peu comme la feinte du siècle. Se rendant compte qu’elle avait été bien naïve de croire que regagner son attention était si facile, elle jura intérieurement et détourna le regard un instant. Elle ne tenait pas spécialement à ce qu’il prenne le regard noir qu’elle s’apprêtait à lancer pour lui. Il lui en voulait déjà assez pour ça. Et maintenant avec ça, elle avait tout autant envie de se frapper pour sa remontée d’optimisme qui frisait le ridicule.

«Je ne cherche pas à te détruire. Je ne l'ai jamais voulu. J'essaie tout le temps de te mettre en garde, mais tu ne m'écoute pas. Alors, je te suis et je t'écoute. Tout le temps. Quand tu as trop bu, je viens te chercher et je te ramène. Quand tu es trop défoncée et que tu ne sais même plus qui je suis, je ne dis rien et je te ramène. Si un jour tu perds un bras, je n'hésiterais pas à couper le mien et te le faire greffer même si il ne collerais pas du tout au reste de ton corps. Si un jour, tu me dis que tu ne veux plus jamais me revoir, je partirais aussi loin que je le pourrais afin de respecter ta volonté. Quand tu t'envoie en l'air avec certaines personnes dont je ne dirais pas le nom, je ne te dérange pas et je fais comme si je ne savais rien. En revanche, toi, j'ai l'impression que tu fais tout pour je craque. Tu me pèses sérieusement sur les nerfs, tu le sais ça, hein? Tu es toujours là quand il ne faut pas et tu fais toujours ce qu'il ne faut pas. Tu sais que tu es belle, sexy, entêtante, mais tu sais aussi que tu es stupide. Je te le répète pour la troisième fois, je n'ai plus envie de jouer. Loin de moi l'envie de te faire du mal. Je préférerais mille fois subir les châtiments du gardien des enfers plutôt que de te blesser réellement. Mais...il faut que tu me comprenne... » Comment pouvait-on définir cette nouvelle offensive de la part de son meilleur ami – s’il souhaitait encore qu’elle l’appelle ainsi - ? En moins de dix minutes, il venait de lui faire croire à deux reprises que les choses étaient sur le point de s’arranger, pour au final clore son discours par une phrase tranchante et difficile à encaisser. Elle fut si chamboulée quand elle l’entendit à nouveau lui dire qu’il voulait arrêter leur jeu définitivement, qu’elle ne fit pas même attention à ses dernières bonnes intentions. Savoir qu’il n’avait pas dans l’optique de lui faire du mal aurait pourtant aidé la belle Hwa Jin à se sentir davantage à l’aise. Car la tension qui l’avait habitée précédemment était bel et bien dissipée, mais l’angoisse concernant les futurs mots du coréen n’avait pas bougée elle. Depuis vingt et un ans, personne, non personne, n’avait osé parler de cette façon à la jeune femme. Et lui, ce cher Han Hyun Su débarquait dans sa vie, la rendait heureuse, venait chambouler sa paix intérieure en parsemant de drôles de sentiments au fond de son cœur, et finissait par lui dire ses quatre vérités en face. Enfin, quatre était ici un euphémisme. Était-elle si terrible qu’il le prétendait ? Elle aurait sincèrement aimer croire le contraire, mais son ton semblait si profond qu’elle avait beaucoup de mal à se convaincre du contraire. Remettre toute sa façon d’être en cause était maintenant une chose envisageable à la vue des arguments en béton de son meilleur ami, mais ce n’était absolument pas le moment. Elle avait sa dose de déprime pour l'instant.

Plus que perdue, J ne fit pas attention aux mouvements de Hyun Su, qui s’approchait d’elle. Ses deux yeux noisettes étaient rivés vers le plancher de la chambre, et aussi fort qu’elle le pouvait, elle tenait de contenir le flot de larmes qui menaçaient de couler de ses yeux. N’étant pas le genre de personne à ressentir fréquemment de la culpabilité, elle n’aurait jamais cru que devoir faire face à sa nature serait si difficile. Elle se demanda alors comment les autres faisaient pour se calmer. Mais bien heureusement, le geste que fit le yongwang fut plus utile que n’importe quel conseil qu’on aurait pu lui donner à cet instant. Il avait beau être un garçon, ses mains étaient réellement très douces. «Pour une fois petit démon, je te prierais de d'écouter attentivement ce que je vais te dire parce que je ne me répéterais pas, et ce, même si tu me supplie de le faire. Ah oui...et je t'interdis de me frapper.» Une drôle de sensation s’empara d’elle. N’avait-il pas changer de ton ? La gorge serrée, les yeux brulants, elle hocha la tête pour lui signifier qu’elle était d’accord et se concentra sur son visage. Là, elle le vit s’approcher et eut le souffle coupé quand il vint poser ses lèvres contre les siennes. Avec l’alcool qu’elle avait bu plus tôt dans la journée, elle ne s’était pas rendue compte à quel point l’embrasser était si déroutant. Les yeux plongés dans les siens, elle avala difficilement sa salive et resta toute attentive comme il le lui avait demandé. «Tu sais...je ... » D’un air innocent, elle pencha légèrement sa tête sur le côté et lâcha un faible « Oui ? » avant d’être à nouveau attaquée par un baiser de son ami. «Je voulais faire quelque chose de bien à la base. En fait non...je voulais rien dire. Je voulais rien dire parce que je ne voulais pas tout gâcher. Mais comme je te l'ai dit, j'ai arrêter de jouer parce que ça ne m'amuse plus. Et quand quelque chose ne m'amuse plus, j'arrête. Mais, tu vois, là, c'est toi, alors ça change la donne tu sais. Tu ne comprends pas ce que je dis, je sais, mais je m'en fous. Mais je vais être honnête avec toi. En fait...depuis longtemps en fait, depuis trèèèès longtemps, il se trouve que je...en fait...tu vois...C'est trop dur! » Alors que J ne comprenait toujours pas réellement où Hyun Su voulait venir, elle garda un air totalement sérieux et fit de son mieux pour rester concentrée et à l’écoute. Et c’était pourtant une tâche peu aisée. A tourner autour du pot de cette façon, après l’avoir embrassé deux fois qui plus est, il était en train de la rendre folle. Avec tout ce qui venait de se passer, on pouvait déjà prévenir l’asile qu’une nouvelle patiente se joindrait à eux. Sa petite bouche délicate s’ouvrit quand son meilleur ami se leva et se mit à bouger rapidement et de façon absurde devant lui. Et bien, elle n’était pas la seule que cette déclaration mettait sur les nerfs. Aussi silencieuse qu’on pouvait l’être, elle continua de l’observer jusqu’à ce qu’il ne revienne s’installer devant elle.

« Je t'aime. Je t'aime tellement. Je sais pas comment j'en suis arrivé là. Parce que honnêtement, t'es pas le genre de fille qui me fait vibrer d'habitude, mais c'est vrai que t'as un corps plus qu'appétissant, un corps que j'aimerais bien ... bref! Ce que je veux dire, c'est que t'es pas gentille, douce, aimable, innocente et sincère. A vrai dire, t'es le contraire de tout ça. T'es vulgaire, bornée, totalement insensible et en plus, je te soupçonne d'être sadique. Tu bois, tu fumes, tu t'envoies en l'air avec n'importe qui, avec n'importe qui, sauf avec moi bien sûr. Mais bon sang! Qu'est-ce que je peux t'aimer...et...» Qu’est ce qui était le plus difficile à croire ? Le fait que son meilleur ami de toujours venait de lui faire vivre les pires minutes de sa vie en lui balançant froidement qu’il en avait marre d’elle, ou le fait qu’il lui avoue l’aimer ? Bien que les résultats du sondage interne de la demoiselle soient très serrés, la deuxième option l’emporta. Ou alors il y en avait une troisième, une dernière qui expliquait en fait que les deux étaient impossibles à croire puisqu’elle était encore plus atteinte qu’elle n’aurait pu le penser. «Pitié...dis-moi que je n'ai pas dit ce que je viens de dire...je t'en priiiiiiiie....» Comme si elle eut été frappée par la foudre, Hwa Jin resta totalement immobile. Ses yeux ne laissèrent entrevoir aucune émotion, sa bouche était restée à demi ouverte et seul l’air qui sortait d'entre ses lèvres laissait penser qu’elle ne venait pas de faire une attaque cardiaque. Et même si elle n’en avait pas fait, c’était tout comme. Les mots de Hyun Su résonnèrent dans sa tête. Il m’aime ? Oui. Il l’a dit. Je t’aime. Je t’aime. Tellement. Je t’aime. C’était démentiel. Après quelques longues secondes d’état végétatif, la préfète se leva brusquement et se donna la claque la plus énorme qu’elle n’eut jamais reçue. Était-elle retournée dans le monde réelle ? Ou bien… Je t’aime. Non, bon, d’accord. A moins qu’elle n’ait jamais quitté la réalité.

A la fois les yeux écarquillés et le sourire illuminant son visage, Hwa Jin se mit à tourner en rond dans la pièce, se repassant sans cesse la scène qui venait de se dérouler devant ses yeux. En fait, elle en avait même oublié que Hyun Su était toujours là. Et pourtant, c’était lui la cause d’un tel engouement. Une fois qu’elle eut bien accepter les faits, elle retourna vers l’endroit où il était toujours accroupi, se mit à genoux et attrapa son visage entre ses mains. « Je suis désolée monsieur Han Hyun Su, mais j’ai fais ce que vous m’avez demandé. Vous vouliez que je sois bien à l’écoute cette fois-ci. Je l’ai fais. » dit-elle avec un sourire triomphant. « J’ai tout entendu. » Sur ce, elle embrassa de façon très passionnée son meilleur ami – quoi que le terme n’était peut-être plus très clair -. « Oh mon Dieu, non c’est pas possible. » Son sourire l’avait quittée, et encore une fois, elle se mit debout. Sans prévenir, elle se précipita vers la fenêtre encore grande ouverte et pris une grande bouffée d’air frais. L’air allait peut-être lui remettre les idées en place. Il l’aimait. Toujours aussi excitée que désemparée, elle couru vers lui et le fit se lever. Là, elle le fit s’approcher du lit et l’y poussa énergiquement. Quand il fut étalé dessus, elle grimpa à son tour sur le matelas et se mit à quatre pattes au dessus de lui. « Je sais que je ne contrôle pas mes gestes, ni mes paroles, mais tant pis. Mon cœur ne s’est jamais autant emballé. Ce que tu viens de me dire c’est plus excitant que n’importe quelle expérience que j’ai pu faire. » Son ton était celui d’une môme à qui on venait de promettre d’acheter un an de glace à la vanille et à la fraise, c’était assez comique. « Je t’aime. » Et là, elle s’étonna elle-même, il fallait le dire. « Dingue. J’ai dis ça, moi. Quel sort m’as-tu lancé sale fou ? » Oh bien sûr, ce n’était pas un reproche, mais elle le pensait sincèrement. Son état était tellement inconnu pour elle, qu’elle avait du mal à croire qu’elle soit la maitresse de son cœur et de son esprit. « Je sais pas si ça en est encore un autre mais, je ressens l’envie folle de t’embrasser. Là, maintenant. Peut-être même plus. Mais ça je te cache pas que ça m’a toujours traversé l’esprit. T’es plutôt tentant comme mec tu sais... » Ce n’était qu’une impression ou bien parlait-elle beaucoup ? La surprise, sûrement. Puis comme promis, elle embrassa langoureusement le yongwang, tandis que sa main droite se lança dans balade sur son torse délicieusement musclé. La pire chose qui puisse lui arriver désormais, c’était d’apprendre que tout ça n’était qu’une blague. Puisqu'il fallait bien respirer un jour ou l'autre, elle quitta de force les lèvres de Hyun Su tout en garda son visage proche du siens. « Est-ce que ce n'est pas plus clair ? Pour moi si, un peu seulement ,mais quand même. Je... J'essayais de me convaincre que c'était rien tout ça quand je passais du temps avec toi. Mais si. Et... Mais oui, ça s'explique. C'est la première fois que je ressens ça, j'avais peur, j'ai encore peur. C'est pour ça que je t'ai en parti rendu fou ces derniers temps. Ça devait être ma façon à moi de vérifier que je comptais à tes yeux. C'était con, je te l'accorde, mais j'ai pas fais exprès. Mais au moins maintenant je le sais. Que je compte pour toi. Et je suis heureuse. Putain de merde, oui je suis heureuse. Moi qui pensait perdre la tête, mais en fait non. Ou alors on a perdu la tête ensemble.» Le souffle court, elle inspira profondément et l'embrassa à nouveau, après qu'un petit rire amusé a quitté sa bouche.