Sa main sur la poignée de la porte, Hikari prit une profonde inspiration. Compter jusqu'à trois, comme pour se donner un peu de courage. Elle allait franchir un grand pas. Peut-être le plus important de toute sa vie. Ce qu'elle n'a pas été capable de faire il y a trois ans, elle comptait le faire en trois secondes. Trois petites secondes d'une existence sur trois ans de perte de son bonheur. Elle tourna la poignée de la porte vitrée et pénétra dans le salon de tatouage. Un petit tintement se fit entendre juste au dessus d'elle, clochette signalant la présence d'un nouveau client. L'homme au comptoir, pourtant, ne releva pas la tête, prononçant quelques mots de bienvenue pourtant peu difficile à comprendre, mais que Hikari n'avait pas eut le temps d'assimiler. Quelque chose du genre « Bonjour, je suis à vous dans quelques instants. » Ou un truc qui s'en rapprochait vaguement. Mais Hikari avait le coeur trop lourd, les jambes trop flageolante et l'esprit tourné tout autre part que ce lieu de gravure sur peau. Toute fois, elle réussit à ouvrir la bouche. Ouvrir ses fines lèvres pour prononcer d'une voix distincte quelques mots. Deux mots lourds de sens. Des mots qu'elle n'a pas retenue. Qui pourrait paraître normaux, voir trop bénin pour une première retrouvailles. Pour son retour d'une longue absence...
« Bonjour... Rudy... »flash back-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
15 jours. 15 jours qu'elle était ici et qu'elle cherchait activement une trace quelconque de Rudy. Elle savait qu'entre Rudy et Taï, le plus facile à trouver serait Rudy. Elle connaissait de lui, le moindre trait de son visage. La moindre expression. Et sa voix était reconnaissable entre mille. Depuis 3 ans, elle n'avait rien oublié de lui, bien au contraire. Elle avait tout fait pour se remémorer chaque traits, chaque vision, chaque sourire de lui. Et sa voix, elle se l'était souvent imaginé comme avant. En 3 ans, pourtant, beaucoup de choses peuvent changer. La preuve, Taï, son fils, il devait être un vrai petit garçon aujourd'hui. Elle ne l'avait vu que cinq secondes à l'hôpital, après l'accouchement, avant qu'il ne lui soit retiré. Un déchirement quand on sait également que si elle venait à le croiser dans la rue, elle ne pourrait même pas le reconnaître. Son coeur s'était serré à de nombreuses reprises en repensant à ses deux hommes. Comme elle le pensait, aux deux hommes de sa vie. Car tout ce qu'on pouvait lui dire, tout ce qu'on pouvait penser, il n'y a bien qu'une chose qu'on n'avait pas pu lui retirer. Son amour pour eux. Et elle s'était dit, il y a un an seulement, qu'elle devait les retrouver. Inutile de préciser que ses parents n'en savaient strictement rien et leur dire ouvertement ses intentions seraient un pure suicide. Ils auraient bien été capable de déménager loin de là ou de prévoir un mariage arrangé bien vite, avant même qu'elle ne puisse mettre un pas dans ce salon-même.
Comment elle avait réussit à connaître l'existence du salon de tatouage où travaillait Rudy ? En enquêtant, tout simplement. Elle savait pertinemment que Rudy n'aurait pas abandonné ce métier. Aussi, elle avait souvent fréquenter les cafés depuis quelques temps en quête d'un homme, voir même d'une femme, avec une trace de tatouage sur le corps, leur demander « Vous ne connaitriez pas le super tatoueur Rudy ? » jusqu'au jour où on lui répondit que « oui, bien sûr ! Celui à Shibuya ! Tatoo Mania c'est le bien ! » Elle avait eut le nom, la rue. N'était-ce pas un jour de gloire ? Et c'était pourtant si facile de chercher, il était plus difficile de se décider à s'y rendre...
Combien de jours elle avait mis pour se bouger les fesses ? Trois. Trois comme les trois années d'abandon dont elle avait fait preuve. Et ça n'avait rien de symbolique, ne soyons pas aussi macabre. Mais le jour J, elle se décida enfin à s'y rendre, en espérant qu'il y travail ce jour-là. Elle s'était alors minutieusement préparé. Une jolie robe blanche à dentelle et à tulles. Elle s'était laissé détaché les cheveux et ne se maquilla que très légèrement. Une chose la différenciait de la dernière vision que Rudy avait d'elle : son ventre était plat. Elle avait retrouvé sa ligne mais à choisir, elle aurait préféré continuer à avoir le ventre rond. Sentir ce petit être vivre en elle. Fonder sa famille et...
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Flash Back end
Présente devant ce comptoir, seulement deux mots sortir d'entre ses lèvres. Elle n'avait même pas le courage de les retenir ou de trouver quelque chose de mieux à sortir.
« Bonjour... Rudy... »Pourtant, elle les regretta bien vite. Dit-on vraiment ce genre de chose quand on s'est absenté pendant si longtemps, sans oser affronter la lâcheté dont elle avait pu faire preuve. Et c'est à cet instant qu'elle se sentit bien idiote. Elle aurait aimé partir en courant, faire demi-tour, mais il était bien trop tard et ses jambes, de toutes façons, ne lui obéissait plus. Elle garda un long moment le regard rivé sur le sol avant qu'un élan de courage ne traverse ses veines. Avec toute la peine du monde, elle releva la tête et croisa le regard de l'homme qu'elle aimait. Du père de son fils qu'elle n'avait jamais connu. Elle entrouvrit les lèvres sans qu'aucun son ne sorte mise à part des larmes, dévalant sur ses joues, qu'elle fut incapable de retenir trahissaient la forte tristesse mêlée au bonheur de le retrouver. Enfin. Enfin son rêve se réalisait.