Son rat l’avait mordu. Su Hee n’y croyait tout bonnement pas, une serviette aux couleurs de yunikon pressée sur sa main, assombrie de sang sur une toute petite surface de papier. Il était assit à la table de sa maison, au milieu de tous les autres élèves au sang-pur, tentant désespérément d’éponger le liquide carmin qui s’échappait à petite dose de sa peau. Certes, les minuscules dents de King n’avaient pas fait de dommages trop graves, mais la douleur était tout de même là, accompagnée d’une certaine appréhension quant à l’acte du petit rongeur. Jamais ce rat n’avait eu l’audace de le croquer auparavant, bon Dieu ! D’ailleurs, où était-il, ce sale animal ? Il le chercha des yeux en fronçant les sourcils, marmonnant maintes insultes peu courtoises à son intention, avant de stopper son regard sombre sur une forme grisâtre en train de grignoter un morceau de pain près du verre de son voisin. Le voilà, songea-t-il en tendant sa main encore entière vers lui pour le saisir fermement par la queue et pour le secouer légèrement, frustré et peiné de sa soudaine agressivité. Peut-être se faisait-il vieux et gâteux, peut-être qu’il ne l’aimait plus. Hm, non, nous avions là un rat fidèle qui devait probablement avoir envie de goûter au sang royal du petit bonhomme, même si cela risquait de lui rapporter des ennuis. Su Hee posa sa bestiole sur ses genoux et le réprimanda sévèrement tout en farfouillant dans son sac de cours dans le but d’y trouver un pansement. Par hasard, il en dégotta un et s’empressa de l’enrouler soigneusement autour de son doigt, puis il coinça King sur son épaule et se prépara à se lever pour retourner à la salle commune. Mais une autre petite boule de poil entra dans son champ de vision avant de grimper sur son corps et de se poser sur son épaule non-occupée. Surpris, Su Hee la reconnu aussitôt; il s’agissait de l’écureuil de son cousin. Son cousin qu’il n’avait presque pas le droit de voir pour des raisons qu’il ne comprenait pas vraiment, ce qui avait le don de lui faire une peine relativement affligeante. Avait-il fait quelque chose de mal pour mériter une telle restriction dans ses entrevues avec lui ? Il n’en avait pourtant pas l’impression. Néanmoins, les deux jeunes hommes continuaient de se voir discrètement, ce qui, au passage, déclenchait parfois des rumeurs d’inceste entre eux. Pff, n’importe quoi; ils étaient cousins, et lorsqu’on interdit deux cousins de se voir, il était tout naturel pour eux de tenter de se donner des rendez-vous secrets, non ? Su Hee ne voyait pas le mal là-dedans.

Le petit écureuil tenait entre ses pattes un morceau de parchemin, qu’il s’empressa de saisir en sentant son rat tenter de repousser l’intrus de son maître pour y garder toute la place. Su chercha Song Ki des yeux à la table des ineo et lui adressa un petit sourire en hochant la tête pour lui indiquer qu’il avait bien reçu le message, puis caressa la douce petite tête de son animal avant de le laisser s’enfuir en trottinant jusqu’à son propre sorcier. Le turquoise déballa le petit mot soigneusement plié en quatre et le garda entre ses doigts pour y lire son inscription;


Cachot 163
Ce soir
À 23h.


Su Hee le glissa dans sa poche avec un soupir. Song Ki avait définitivement des lieux de rendez-vous étrange. Ne pouvait-il pas simplement lui demander de venir au bord du lac durant l’après-midi ou au réfectoire tôt le matin, quand personne ne risquait de les y voir ? Tandis que là, les cachots… et en pleine nuit en plus, il faisait fort. Su Hee n’était pas particulièrement peureux dans son genre, mais il n’aimait pas pour autant se déplacer en ces lieux durant la nuit, surtout en sachant la légende au sujet de cet endroit malfamé. Mais bref, si son précieux cousin préférait le rencontrer là-bas, soit; il relevait le défi et après tout, il ne pouvait rien se produire de bien grave s’il était avec lui, surtout en prenant compte de ses prodigieuses capacités en magie dont il était très fier. Le Nahm savait qu’il était doué -après tout, ses notes parlaient d’elles-même- et il savait également que ce n’était pas nécessairement le cas de son cousin. Peut-être ne comptait-il pas parmi les réels nuls de l’académie, mais on pouvait assurer avec certitude qu’il ne faisait de loin pas partie des meilleurs. Il y avait des gens comme ça, malheureusement, qui, malgré leur ascendance purement magique, n’étaient pas doté de tout le talent auquel on se serait attendu de leur part. Soit, Su savait se débrouiller tout seul, de toutes façons, et ne voyait pas d’inconvénient particulier à l’idée de le voir aux cachots; s’il avait l’audace de lui faire une mauvaise blague, il n’hésiterait pas à lui faire cramer les sourcils, ou pire. La violence envers sa famille ne l’attirait pas, mais franchement, parfois, Song Ki le méritait.

22h50
Le jeune homme s’extirpa discrètement de ses draps sans allumer la lumière pour autant; s’étant couché tout habillé pour ne pas risquer de réveiller ses camarades de chambre, il avait pour ainsi dire tout prévu. Il décida de laisser son rat dans le lit pour le punir de son acte commis quelques heures auparavant -le sparadraps sur son doigt pouvait encore en témoigner-, puis se glissa habilement à l’extérieur de la pièce en tâtonnant doucement du bout des pieds pour ne rien percuter. En toute honnêteté, Su Hee n’aimait pas trop traîner dans les couloirs pendant la nuit; la peur de se faire choper par un professeur et de se retrouver en retenue restant omniprésente à chacune de ses virées nocturnes encore plus forte que l’idée de se retrouver nez à nez avec un fantôme mal intentionné ou avec un esprit frappeur, il ne s‘y adonnait pas trop. Mais ce soir, il avait comme le pressentiment que ça n’allait pas se produire, aussi traversa-t-il la salle commune déserte avec assurance, toujours plongé dans le noir mais la main serrée sur sa baguette juste au cas où. Il descendit consciencieusement jusqu’aux sous-sols du château, sur ses gardes, se demandant vaguement où pouvait bien se trouver Jimmy à cet instant-même, puis il s’introduit dans le couloir des cachots en allumant tout de même un lumos, histoire d’y voir plus clair. La pierre recouvrait le sol, les murs ainsi que le plafond, ce qui créait une atmosphère brute et glaciale; d’ailleurs, en ce mois de décembre, Su Hee regretta bien vite de ne pas avoir prit de veste pour se couvrir du froid qui commençait déjà à lui mordre le bout des doigts.

D’un coup ferme de baguette, il ouvrit la porte du cachot si sinistre, entra d’un pas et s’arrêta près de l’entrée, tendant l’oreille pour détecter un son pouvant lui indiquer la présence de Song Ki; à vrai dire, il s’attendait à moitié à ce qu’il le surprenne par derrière ou tente de lui faire peur de quelconque manière que ce soit, ce qui ne l’encourageait pas vraiment à entrer plus en profondeur.

« Song Ki » chuchota-t-il assez fort pour qu’on l’entende mais pas trop pour ne pas risquer d’attirer un indésirable « Song Ki si tu es là et que tu ne ramènes pas tes fesses tout de suite, dés que je te vois je t’enfonce ma baguette dans un orifice que je ferais mieux de ne pas nommer. Je t’aurai prévenu. » ses propres mots le firent sourire. Lui-même se savait parfaitement incapable de faire du mal à son cousin adoré, mais il espérait quand même que la menace ferait un peu d’effet à cet imbécile s’il se cachait comme il le soupçonnait; le plus jeune ne tenait absolument pas à mourir d’une syncope dés ce soir, restant méfiant mais pourtant indéfiniment curieux quant aux prochains évènements.

Jugeant cette option comme étant sage, il colla son dos à un mur de pierres froid et humide et resta immobile quelques minutes, scrutant le noir avec insistance, la baguette faiblement illuminée. Cette ambiance macabre ne lui plaisait pas, mais alors pas du tout, mais il savait bien que l’idée de Song Ki devait probablement reposer sur tout ça. Si celui-ci avait l’audace malsaine de lui provoquer un arrêt cardiaque ou une frousse -même s’il n’était pas particulièrement peureux, il accordait un côté stressant à la situation- terrible, il va sans nul dire qu’il avait déjà des idées pour se venger. Le torturer, le bouder, l’engueuler, le frapper… avec une certaine préférence pour la première option, tout naturellement. Le yunikon sourit en posant l’arrière du crâne contre la paroi, se disant que si dans dix minutes, l’autre n’était pas encore arrivé, il s’en irait pour ne pas risquer de se faire prendre par un professeur ou tout bonnement pour éviter de tomber malade avec ce froid.

Song Ki ferma les yeux l’espace de quelques secondes, le temps de les habituer à l’obscurité du couloir, puis il prit le chemin des cachots. Il était hors de question d’allumer sa baguette, à moins qu’il ne tienne à se faire surprendre par un professeur en patrouille. Or il était déjà en retard et il ne mourrait pas d’envie de perdre encore plus de temps à cause d’un détour forcé par le bureau d’un prof, qui ne croirait pas à sa pourtant parfaite interprétation d’une crise de somnambulisme. Déjà qu’il se sentait gêné d’arriver en retard à un rendez-vous qu’il avait lui-même fixé et, qu’en plus, c’était son cher et tendre cousin qu’il devait y rencontrer… Le jeune homme espérait juste que Su Hee ne lui en voudrait pas trop, surtout qu’à la base le cachot 163 où ils avaient rendez-vous n’était qu’à quelques couloirs de sa salle commune. Et puis c’est qu’il pouvait se montrer assez sauvage le cousin.
Un tel rendez-vous avait de quoi étonner bon nombre de personne et, ceux qui avaient remarqué leur petit manège (qui se répétait tout de même assez souvent) avaient hurlé à l’inceste. L’ainé des deux cousins s’était senti mal à l’aise en apprenant ces rumeurs grotesques. D’une part parce que c’était à cause de lui qu’ils en étaient réduits à se rencontrer dans de telles circonstances, mais aussi la raison pour laquelle son père leur avait interdit de se voir l’avait troublé et pas qu’un peu. Tellement en fait, qu’il avait préféré rester vague dans les explications qu’il avait données à Suu.
Et puis le cachot 163 quoi… Song Ki ne savait pas ce qu’il lui avait pris lorsque, le matin même, il avait écrit ce message à l’intention de son cousin. Il ne croyait pas à ces histoires de créature horrible rodant dans les alentours du cachot, préférant nettement sa propre version des profs voulant décourager les élèves à s’y aventurer, pour ne pas avoir à faire de ronde dans cet endroit bien trop froid pour leurs délicates articulations. Des gros blaireaux ces profs franchement. Mais voilà, le jeune homme avait beau adorer son jeune cousin – et le mot était faible – il ne pouvait pas l’empêcher de le taquiner, mais néanmoins avec beaucoup plus d’affection que tout ceux qu’il poussait à bout avec sadisme. Et il savait pertinemment que même en n’appréciant pas le moins du monde son choix quant au lieu de leur rendez-vous, Su Hee s’y rendrait quand même.

Malheureusement, sa salle commune, remplie de fauteuils confortables, s’était vidée plus lentement qu’à l’accoutumée et, lorsque les plus couches-tard étaient enfin allés se coucher – soit à dix-neuf heures cinquante cinq précise (Song Ki avait alors les yeux fixés avec inquiétude et exaspération sur l’horloge de la salle) – le jeune sorcier avait été confronté à un autre problème : le pansement qu’il portait depuis deux jours à l’index s’était mis à hurler.

Deux jours plus tôt, la professeur de Botanique lui avait collé une magnifique bande rose sur son pauvre doigt qui pissait le sang, après s’être très légèrement fait ‘mordillé’ par un géranium dentu. Sans oublier l’heure de retenue qu’elle lui avait généreusement ajoutée pour s’être pris le dit géranium dans la figure (un malheureux réflexe). Agacé, Song Ki avait arraché le pansement ridicule pour ensuite le regretter, lorsque Litchee lui avait… malencontreusement… planté ses griffes dans la même blessure. Tout ça à cause d’une espèce d’enquiquineuse qui lui avait fait la peur de sa vie.
Enfin, le jeune homme avait donc taxé un pansement couleur chair, beaucoup plus sobre à son goût, à un ami qui avait omit de lui préciser qu’il s’agissait d’une de ces compresses magiques qui se mettaient à hurler lorsqu’ils devenaient trop sales.

Song Ki n’avait pas eu d’autre choix que d’arracher le sparadrap brailleur et de le jeter dans le feu crépitant de la cheminée, avant que ses cris ne réveillent la moitié des Ineo. Il y avait quand même eu trois pèlerins aux airs endormis qui étaient descendus des dortoirs pour voir l’origine de tout ce boucan et, le temps que le cinquième année les rassure et qu’ils aillent se recoucher, il était déjà en retard de trois minutes.

Rasant les murs, son sac sur le dos, il se dépêchait de gagner les cachots tout en tentant de ne pas baisser sa vigilance, ce qui lui permit d’éviter de justesse le concierge qui avançait à grands pas dans la direction opposée à la sienne. Il marmonnait des insultes contre un certain esprit frappeur, qui avait encore dévissé un lustre au rez-de-chaussée et le jeune sorcier ne dû son salut qu’à une imposante armure qui se dressait à seulement un mètre de lui à ce moment là. Le reste du chemin se fit fort heureusement sans encombre et c’est avec soulagement que Song Ki se glissa dans le cachot 163.
Un sourire se dessina sur ses lèvres pleines lorsqu’il vit que son cousin était encore là malgré son retard. Il planta un baiser sur la joue du jeune homme, comme il le faisait depuis tout petit. En fin de compte, avec Su Hee c’était comme s’il n’avait pas grandi. Cette proximité innocente qu’il avait développée dans l’enfance avec lui, elle ne s’était pas amoindrie avec l’âge et c’était d’ailleurs ce qui avait poussé son père à mettre de la distance entre les deux cousins germains.

- Salut le nain, chuchota-t-il du haut de leurs onze centimètres de différence. Désolé de mon retard, j’ai eu quelques empêchements, s’empressa-t-il d’ajouter avant de se faire étriper sur place.

A la faible lueur de la baguette de Su Hee, il sortit de son sac une espèce de couverture qu’il déplia en invitant le yunikon à s’assoir d’un signe de tête, avant de s’assoir lui aussi tout contre lui. Il les enveloppa tout deux dans l’étoffe qui eu vite fait de les réchauffer. Song Ki savait combien il pouvait faire froid dans les sous-sols, puisque la salle commune des ineo était située au même étage, ainsi avait-il tout prévu pour s’éviter une mort lente et douloureuse de la part de son cher cousin. Bien sûr, il savait qu’il ne risquait rien avec lui et ce n’était pas par crainte qu’il avait amené cette couverture, mais par prévention. Le jeune homme se doutait bien que Su Hee n’aurait pas automatiquement pensé à se couvrir, parce qu’il y avait tout de même une sacrée différence de température entre là où ils se trouvaient et les étages supérieurs, sans compter l’humidité ambiante. Et puis aussi parce qu’en cet instant présent, il se sentait heureux d’être blotti ainsi contre lui, comme avant, comme deux enfants.

- Tiens ? Qu’est ce que tu as au doigt ? King n'a quand même pas osé te mordre, si ?, demanda Song Ki en fronçant légèrement les sourcils, lorsqu’il eu remarqué le pansement sur la phalange de l’autre. Il n'avait pas ça hier. Depuis l’interdiction de son père, il avait pris l’habitude d’observer attentivement son cousin à chaque fois qu’il en avait l’occasion, afin de s’assurer qu’il allait bien. Bien sûr, il pouvait éventuellement lui envoyer un message, mais il estimait que Su Hee avait sa propre vie en dehors de lui et qu’il n’avait pas à se montrer trop envahissant, même si cette résolution lui demandait beaucoup d’efforts. En tout cas, bienvenue au club des handicapés du doigt, ajouta-t-il avec un sourire en mettant son propre doigt estropié à côté de celui de Suu.

Su Hee ne venait pas souvent dans les sous-sols de l’école, privilégiant généralement les étages plus chauds et au climat bien plus agréable. Les rares fois de la semaine où il osait s’y aventurer, c’était uniquement pour y suivre quelques cours ou parfois pour aller dire bonjour à Song Ki près de sa salle commune. Les pauvre élèves d’ineo ne devaient certainement pas avoir une température très élevée dans leurs dortoirs, et rien qu’à imaginer la frimousse délicate de son cousin dépasser d’une couche épaisse de dix couvertures fit sourire le petit yunikon tandis qu’il l’attendait encore. Le mur sous son dos propageait une sensation glaciale partout dans son corps, mais quelque chose lui disait qu’en se décollant de lui, il risquait d’avoir encore plus froid. Cette idée le motiva à ne pas bouger d’un seul centimètre, respirant doucement et silencieusement, aux aguets si jamais quelqu’un d’indésirables venait à passer. Honnêtement, il ne tenait pas à ce qu’on le fiche en retenue; certes, le fait d’être puni ne lui importait pas grand-chose, mais il ne désirait pas se faire prendre avant l’arrivée de son si précieux cousin qu’il voulait vraiment voir ce soir. Mais il était en retard, ce qui inquiétait légèrement le turquoise, le forçant à tourner vigoureusement la tête au moindre courant d’air sur sa nuque ou au moindre son pouvant plus ou moins être interprété comme un bruit de pas se voulant discret, espérant pleinement qu’il s’agissait de l’arrivée de Song Ki. Malheureusement pour lui, il dû patienter encore plusieurs minutes jusqu’à ce que des sons distincts de pas lui parviennent, puis encore quelques secondes avant que le visage si familier de Song Ki n’apparaisse dans son champ de vision avant qu’il ne vienne lui coller un baiser rapide contre la joue. Su Hee sourit doucement, heureux de le revoir, se sentant s’apaiser brutalement comme s’il n’avait plus de problèmes. La présence de Song Ki avait un véritable effet bénéfique sur sa personne, en réalité, tant l’affection qui les liait était forte.

« Je ne suis pas un nain ! » s’exclama-t-il un peu trop fort avant de reprendre à voix basse; « c’est pas grave, je suis content de te voir… »

Un nouveau sourire sincère caressa ses lèvres. Il ne souriait pas souvent, mais ne se retenait pas face à lui, curieusement. C’était son cousin, son cousin si précieux, après tout, il ne pouvait tout bonnement pas faire semblant de cacher sa joie uniquement par pure fierté. Certes, il ne perdait pas ses plus élémentaires bases en sa compagnie, mais il se déridait un peu. Avec Song Ki, pas besoin de se cacher, n’est-ce pas ? Il ne risquait pas de lui faire de mal ni de se moquer de lui; il l’aimait. Il l’aimait comme le frère qu’il n’avait pas eu et plus que n’importe qui d’autre, il représentait tellement à ses yeux qu’il n’aurait pas pu vivre sans ces escapades interdites et régulières. Song Ki avait été évasif sur les raisons de son père l’ayant poussé à leur interdire de se voir, ce qui turlupinait grandement le petit brun. Durant longtemps et encore maintenant, à vrai dire, il se demandait ce qui pouvait bien se passer du côté de son oncle. Il ne voyait pas le problème et toute cette histoire le stressait, il avait besoin de sa présence pour le réconforter et pour lui parler, point barre. Surtout en ce moment.

Song Ki déballa devant lui une couverture, plus l’invita à s’assoir près de lui. Une fois que le petit se fut installé, il se serra délicatement contre son aîné tout en appuyant son dos contre le mur, les mains liées contre ses genoux sagement repliés. Déjà lorsqu’ils étaient tout petits, ils dormaient dans le même lit et ne se quittaient jamais. Normalement, les choses auraient pu continuer ainsi si cette histoire n’était pas venue prendre racine entre eux deux, mais la proximité rassurante que Su Hee embellissait un peu plus à chacune de leurs entrevues persistait, plus forte que n’importe quelle interdiction stupide. Il posa sa baguette en équilibre sur son genou et regarda son doigt, que désignait Song Ki avait étonnement. Oui, cette saleté de bestiole avait osé le croquer. De toutes façons, il ne l’avait pas emporté avec lui, il ne le méritait pas. Su Hee était un peu vexé de l’attitude de son animal sans pour autant oser le montrant, se contentant d’hausser légèrement les épaules tout en clignant des yeux pour mieux l’apercevoir dans la pénombre.

« Ça ne fait pas très mal » grogna-t-il en agitant vigoureusement sa main blessée devant ses propres yeux, doutant à moitié de ses propres paroles « ce rat doit commencer à se faire vieux, il fait de plus en plus de bêtises. »

En y repensant, cela faisait déjà plusieurs années qu’il le possédait, le pauvre risquait probablement de toucher à la fin très prochainement. Cette idée ne lui plaisait pas vraiment, mine de rien il avait finit par s’attacher à cette petite boule de poil encombrante et n’était pas pressé de la voir décéder, bien au contraire. King devenait gâteux. Mais quand Song Ki lui montra son propre doigt estropié, le turquoise ouvrit de grands yeux et fit jaillir ses petites mains chaudes de sous la couverture, saisissant la sienne avec précaution, suspicieux. Soudainement, l’idée que son rat était peut-être en train de soupirer son dernier souffle en cet instant-même ne lui effleurait plus du tout l’esprit. Il écarta ses doigts en fronçant les sourcils, les lèvres pincées dans une mine d’inspection des plus sérieuses, retourna la paume vers le bas puis vers le haut avant de laisser tomber son poignet sur ses cuisses sans pour autant le lâcher, câlinant affectueusement le pouce de son hyung. Il observa le devant du couloir pendant quelques secondes, avant de se décaler encore un peu jusqu’à être presque appuyé contre lui, jouant toujours distraitement avec ses doigts. Au contact de l’autre Nahm, celui-ci perdait une bonne partie de son caractère désagréable; il parlait plus, semblait plus gentil et plus agréable, riait et un air particulièrement heureux se peignait sur son joli visage. Une toute autre forme e magie que celle apprise en cours opérait entre eux au point qu’il avait parfois l’impression de savoir ce que son cousin pensait sans même estimer nécessaire de le lui demander.

« J’espère que tu te soignes bien » s’inquiéta-t-il légèrement en cachant la crainte dans sa voix sans trop de difficultés « il ne faudrait pas que ça s’infecte, hein ? Je te ferai une pommade si tu veux. »

Su Hee, naturellement doué en cours sans compter parmi les trois premiers de son année pour autant, se savait capable de composer une potion quelconque dans le but de soulager les douleurs de son cousin et aurait été très honoré de pouvoir s’en occuper. Il s’agissait d’une sorte de remerciement envers lui pour se montrer si présent, si aimant. Le plus grand prenait soin du plus petit, qui le lui rendait au mieux pour se sentir utile. Décidemment, leur relation avait tout du fusionnel.

Ils restèrent ainsi sans rien dire durant quelques dizaines de secondes. Su Hee n’avait pas grand-chose à lui raconter de sa vie, pas grand-chose de nouveau. Après tout, il ne se passait jamais rien d’intéressant pour lui tant il évitait le contact avec autrui, le fuyant presque comme la peste. Néanmoins, cet épisode de dispute avec Dong Soo le fit grogner de mécontentement rien qu’à y repenser et il sembla subitement se rétracter sur lui-même. Il regrettait cette stupide engueulade qu’ils avaient eue dans le réfectoire, mais sa mauvaise foi le poussait à continuer de croire que toute la faute revenait à son camarade. Après tout, c’était lui qui avait compris ses paroles de travers et qui s’était tapé son mélodrame tout seul, Su Hee n’y pouvait strictement rien ! Du moins, il préférait croire à ça plutôt qu’à une quelconque implication trop personnelle pouvant justifier cet évènement qui avait trop ressemblé à une dispute de couple devant des dizaines d’yeux curieux. Tant qu’aucune rumeur ne se mettait à courir inutilement, tout allait bien. Et tant qu’il ne recroisait pas ce pauvre imbécile totalement écervelé, tout irait certainement encore mieux. Suu se tortilla sur place et tourna la tête en direction de son cousin avec un petit sourire.

« Alors ? Tu voulais me dire quelque chose de particulier ou tu avais juste envie de me voir ? » le questionna-t-il.

Parfois, quand ils se voyaient, c’était dans l’urgence, telle ou telle chose importante à se faire communiquer ou à discuter. Les autres fois, ils ne se rencontraient que pour discuter et revisiter toute la vie que l’autre vivait en partie sans lui. Si Su Hee en avait eu le droit, il se serait certainement porté volontaire pour donner des cours de soutien à Song Ki, dont les notes en cours n’étaient pas vraiment belles à voir, mais il se retenait toujours de faire une proposition pareille; il craignait à la fois de vexer son aîné et aussi de s’attirer les foudres du père de celui-ci.