Il faisait froid ce soir-là. En costume de Peter Pan, Min Hoon était allé chercher sa jolie fée chez les Muneo, et l’avait emmené, ravi, fier, au bal d’Halloween. C’était la première fois qu’il invitait quelqu’un à ce bal, et à vrai dire, ça n’avait pas été une mince affaire.
Min Hoon était un grand timide, cela n’était un secret pour personne. Et celle qui avait cherché à faire de lui un homme capable d’inviter une jolie fille, c’était Hyo Rin. Elle lui avait donné ce qu’elle appelait des cours, des petites séances d’apprentissage pour séduire les femmes. Ce n’était pas une chose facile pour le Geobuk : comment aurait-il pu séduire une femme, lui qui n’arrivait pas à leur parler ! Elle avait tenté de lui donner confiance en lui, de le sociabiliser ; et si la manœuvre n’avait pas été une grande réussite, elle avait quand même permis à la tortue de prendre sur lui, et d’inviter la jolie Muneo. La démarche n’avait pas été facile, et il avait dû demander de l’aide à Hikaru pour « lui apprendre comment inviter une jeune fille au bal sans se ridiculiser ». Oka-san avait été ravi d’aider son petit, et lui avait même donné une astuce supplémentaire : ainsi, quand il était arrivé devant Hyo Rin, les joues rouges, il lui avait tendu une jolie rose, posant un genou par terre, avant de lui demander un candide « V… veux-tu être ma c-cavalière ? », il avait réussi à conquérir le cœur de la demoiselle, et avoir son accord. Cela avait été une grande première pour le jeune homme, qui avait affiché un sourire béat le reste de la journée ; sourire que les ignorants prirent pour un signe de plus de la grande bêtise du Geobuk, alors que les rares qui le connaissaient pouvaient en comprendre l’origine.

Et il se trouvait donc là, en compagnie de sa jolie Clochette, prêt à danser toute la nuit… enfin, à tenter de ne pas marcher sur les pieds de sa cavalière surtout. Il venait d’arriver dans la salle de bal, et admirait les différents costumes, Hyo Rin à son bras. Il était fier de pouvoir dire qu’il accompagnait la plus jolie fille de l’école. Elle avait accepté un boulet tel que lui, ce qui relevait de l’inconcevable pour la tortue. Il sentit une bouffée de fierté monter en lui, tandis qu’il regardait le directeur arriver, prêt à leur tenir le discours. Il lui faisait un peu peur, celui-là : il n’avait pas une tête très sympathique… mais il n’en restait pas moins un homme juste, qui s’occupait bien de ses élèves. Min Hoon était pourtant soulagé de ne jamais avoir eu affaire personnellement à lui.

Ensuite, tout se passa très vite. Trop, pour quelqu’un comme le Geobuk qui avait besoin d’un peu de temps pour analyser et comprendre les situations dans lesquelles il se trouvait. Le directeur parla d’innovation. Innovation ? Oui, et donc ? Ils avaient prévu des jeux ? Non, évidemment, ç’aurait été trop simple. Et puis soudain, un elfe de maison apparut devant eux, et les sortit du réfectoire. Sans s’en rendre compte, Min Hoon avait attrapé la main de sa cavalière, tandis qu’ils tentaient tant bien que mal de suivre le petit bonhomme qui les guidait d’un pas vif en dehors du château.
Il n’y avait pas besoin d’être un génie pour comprendre que l’elfe savait où il allait ; et les deux jeunes gens le suivaient, traversant le grand parc d’Akiwa, frissonnant sous le vent glacé qui se levait. S’il avait su qu’il allait se retrouver en expédition dehors, Min Hoon aurait au moins mis un pull. Mais en costume de Peter Pan, vêtu simplement d’un collant vert et d’une espèce de long t-shirt vert, un peu déchiré, ses poils se hérissaient sur ses bras nus. L’herbe humide trempait ses pieds, ses chaussures vertes étant plus apparentées à des chaussons qu’à des chaussures pour sortir… tout en suivant l’elfe, il se tourna vers Hyo Rin, et serra doucement ses doigts.

« T… tu n’as p-pas froid ? Je ne sais p-pas ce q-qui nous attend mais… ne t-t-inquiètes pas, ça va aller. »

Il lui sourit d’un air confiant. Intérieurement, il était mort de trouille. Mais il ne voulait pas inquiéter la jeune fille, et voulait se montrer fort pour la rassurer. Le directeur leur avait dit qu’ils devaient se rendre au labyrinthe, et en sortir pour gagner… oui, mais gagner quoi ? Le jeu en valait-il vraiment la chandelle ? Min Hoon détestait les surprises, surtout celles de ce genre ; et il se doutait bien que ce qui l’attendait dans le labyrinthe, ce n’était pas seulement des haies. Il y aurait sûrement autre chose, pour pimenter le jeu… ce directeur était tellement tordu, il fallait s’attendre à tout avec lui. Inconsciemment, le jeune homme serra sa baguette dans sa main. Heureusement qu’il avait pensé à la prendre ! Dire qu’il avait failli l’oublier, posée sur son lit... même si elle ne lui serait pas d’une grande utilité vu son niveau en sortilèges, elle pourrait toujours servir en cas de danger. Il tourna la tête vers Hyo Rin, et la dévisagea un instant, avant de reposer son regard sur l’elfe qui approchait du labyrinthe. La jeune fille était une Muneo, ce qui signifiait qu’elle devait être bonne en cours. Pourtant, il ne voulait pas que ce soit elle qui s’expose au danger : il avait beau être une daube en tout, il était celui qui devait la protéger. Et il comptait bien le faire, même s’il ne savait pas encore ce qui l’attendait à l’intérieur du labyrinthe.

Le moment tant craint arriva, et ils se retrouvèrent dans le labyrinthe. L’elfe les quitta soudain, et ils furent alors seuls, totalement seuls. Min Hoon lâcha la main de Hyo Rin, et tourna lentement sur lui-même pour inspecter les environs. Derrière eux, la haie s’était refermée, bloquant cette sortie du labyrinthe. Ce qui signifiait qu’ils allaient devoir se débrouiller seuls. Devant eux, il n’y avait pour le moment qu’un chemin unique, ce qui reportait à plus tard l’instant où ils allaient devoir se décider sur le chemin à prendre. Min Hoon n’était pas très doué en cours, mais son avantage dans ce genre d’endroits était son talent d’observation ; par contre, s’il cédait à la panique, il était foutu. Le jeune homme inspira lentement, et se tourna vers Hyo Rin, un sourire qui se voulait rassurant sur les lèvres.

« B… bon. T-tout d’ab-bord, il nous f-faut de la lumière. S-si on y voit q-quelq-que chose, ce sera p-plus facile pour nous rep-pérer. Ensuite, est-ce q-que tu t-te souviens de la c-configuration du lab-byrinthe ? Je me s-souviens l’avoir d-déjà vu p-par la fenêtre, m-mais je ne suis p-pas sûr de p-pouvoir en faire une reproduction fidèle… je p-pense que si on sait c-comment ce lieu est c-configuré, il nous sera p-plus facile de nous y repérer. S-si on prend en c-compte le chemin p-par lequel l’elfe nous a mené, ça d-devrait d-donner q-quelque chose c-comme ça… »

Le jeune homme laissa à sa cavalière le soin de leur fournir de la lumière, et s’agenouilla pour tracer au sol une esquisse de plan, avec la pointe de sa baguette. Ils se trouvaient – fort heureusement pour lui – dans une partie du labyrinthe où le sol était plutôt sableux, et il n’eut aucun mal à dessiner un plan grossier du labyrinthe, tel qu’il s’en souvenait. Après avoir fini, il se redressa, épousseta ses genoux et toussota d’un air gêné en contemplant son œuvre, qui ne leur donnait qu’une ébauche assez peu fidèle de l’endroit.

« Ahem… je suis d-désolé, ce n’est p-pas terrible. Mais je p-pense que nous sommes là (il dessina une croix sur le plan) et nous voulons arriver là (il fit une deuxième croix, sur le côté opposé à la première). Je p-pense que nous sommes arrivés au sud du lab-byrinthe, et il nous faut t-trouver la sort-tie au N-nord… je ne sais p-pas si ça va b-beaucoup nous aid-der, mais au moins nous savons où nous sommes. »

Il se tut un instant pour réfléchir. Le plan ne leur donnait que des indications vagues de la direction à prendre ; et le labyrinthe portait bien son nom, ce qui voulait dire qu’il y avait de grandes chances qu’ils se perdent. Allaient-ils mourir ici ? Hors de question ! Il refusait d’errer ici pendant des heures. Il détestait les labyrinthes, et comptait bien en sortir vite.

« B-bon, ça ne risque p-pas d’être facile, mais je suis sûr q-qu’on p-peut s’en sortir. Ca va b-bien se p-p-passer, ne t’inquiètes p-pas. Le t-tout est d-de faire preuve de logique… p-par contre je ne suis p-pas très d-doué en sortilèges, d-donc… j’esp-père qu’on aura p-pas à s’en servir. »

Il avait prononcé ces derniers mots d’une voix piteuse, honteux de son incapacité à lancer un sort correct. Il se sentait pourtant prêt à affronter le labyrinthe et ses dangers. Il reprit doucement la main de Hyo Rin dans la sienne, et lui sourit à nouveau.

Cela faisait quatre heures. Quatre longues heures que Hyo Rin attendait dans la salle commune des Muneo, le nez dans un livre inintéressant, habillée en fée Clochette. Elle jetait un coup d'œil anxieux à l'horloge à chaque page qu'elle tournait, espérant qu'il soit enfin l'heure de rejoindre son cavalier. Elle était surexcitée, angoissée et ravie en même temps. En effet, cette année, le bal d'Halloween se passerait d'une toute autre manière, à commencer par le choix du déguisement exclusivement réservé aux demoiselles. Pourtant, l'idée de Peter Pan et de la fée Clochette venait de Min Hoon, son cavalier. Idée qu'elle avait trouvé excellente étant donné qu'elle serait vraiment mignonne avec un tel costume, quand bien même il était d'une simplicité déconcertante. Une petite robe verte taillée en tulipe au niveau des cuisses, deux chaussons vert surmontés d'un énorme pompon et un petit nœud retenant ses cheveux en chignon. Oui, c'était tout. La Muneo espérait juste ne pas avoir froid dans ce déguisement aux couleurs des Geobuk. D'ailleurs, ce détail aurait était gênant, en un sens, si son cavalier n'avait pas été une tortue.
Accordant un énième regard à l'horloge de la salle commune, elle se mit à rêvasser. Ou plutôt, se remémorer la demande si mignonne de Min Hoon pour qu'elle l'accompagne. Le garçon avait posé un genou par terre. Il était... si craquant ! Comprenez que la petite Hyo Rin ait pu fondre pour lui. Elle lui avait répondu avec un sourire posé et émerveillé, flattée. « Oui, bien sûr. » Elle avait délicatement pris la rose et lui avait offert un doux baiser pour le rassurer. Elle le connaissait et il était évident pour elle qu'il avait pris sur lui.

« Hyo ? » Le Geobuk agitait sa main devant le visage de jeune fille. Elle sursauta puis se leva vivement. « Oups, pardon, j'étais... ailleurs. » La fin de son ennui. Comme sauvée par... Peter Pan. Ils prirent donc tout deux le chemin du réfectorium où le directeur leur annonça les nouveautés. Au moins, c'était sûr, le bal d'Halloween de cette année serait plus mouvementé. Arriva alors un elfe de maison qui leur intima de le suivre. Dehors, ils allaient dehors. Passée la grande porte du château, Hyo Rin fut parcourue de frissons intenses. C'est qu'à cette heure, il faisait plus que frais. Habillée d'une simple petite robe en bustier et très courte c'était... Du suicide, littéralement.
« T... tu n'as p-pas froid ? Je ne sais p-pas ce q-qui nous attend mais... ne t-t-inquiètes pas, ça va aller. » Min Hoon lui prit la main comme pour la réchauffer un peu. « Honnêtement ? Mon prochain déguisement sera un esquimau. » Elle souffla. Allait-elle mourir de froid ? Elle lui sourit tout de même pour ne pas qu'il s'inquiète et prit sur elle pour ignorer le vent glacial. Grelottant presque à en claquer des dents, elle pensait à comment tuer le directeur.
L'elfe s'arrêta devant le labyrinthe. La Muneo bloqua un long moment sur l'endroit, totalement terrifiée. « C'est... une blague ? » Elle se parlait à elle-même, pour se rassurer mais aussi pour comprendre tout ça. Elle lança un bref regard à Min Hoon avant de reporter son attention sur la petite créature. Ce qu'elle aurait aimé l'attraper d'une main par le chiffon qui lui servait de vêtement et lui crier sa haine contre lui pour l'avoir amenée dans un labyrinthe alors qu'il fait si froid. Pourtant, ce genre de comportement ne lui ressemblait pas et le temps qu'elle s'imagine la scène, l'elfe n'était plus là et les deux amoureux, pris au piège.

Min Hoon lâcha la main de la petite fée Clochette. Elle ne protesta pas mais se sentit seule au monde. Elle était véritablement morte de peur. Pourtant il n'y avait pas vraiment de quoi. Le directeur avait beau être fou, il n'allait pas mettre leur vie en danger, ni même les blesser. Hyo Rin sentait son coeur faire des bonds dans sa poitrine, aussi reporta-t-elle sa main contre celle-ci, comme pour le calmer. Calme, calme. Elle n'était pas idiote. Elle imita son cavalier et prit connaissance des lieux. Elle n'y voyait absolument rien, ou alors quelques vagues formes qui ne lui disaient rien de bon. La Muneo croisa le regard de son petit-ami, celui-ci lui souriant, ce qui la rassura quelque peu. Elle sortit sa baguette pour produire de la lumière. « Est-ce q-que tu t-te souviens de la c-configuration du lab-byrinthe ? Je me s-souviens l’avoir d-déjà vu p-par la fenêtre, m-mais je ne suis p-pas sûr de p-pouvoir en faire une reproduction fidèle… je p-pense que si on sait c-comment ce lieu est c-configuré, il nous sera p-plus facile de nous y repérer. S-si on prend en c-compte le chemin p-par lequel l’elfe nous a mené, ça d-devrait d-donner q-quelque chose c-comme ça… » Hyo Rin observa attentivement le grossier plan – supposé – du labyrinthe que traçait le Geobuk au sol. De toute évidence, ses souvenirs étaient vagues et la jeune fille ne pourrait pas l'aider dans la mesure où elle ne s'était jamais intéressée au chemin du dédale depuis les fenêtres de sa chambre. « Ahem… je suis d-désolé, ce n’est p-pas terrible. Mais je p-pense que nous sommes là (il dessina une croix sur le plan) et nous voulons arriver là (il fit une deuxième croix, sur le côté opposé à la première). Je p-pense que nous sommes arrivés au sud du lab-byrinthe, et il nous faut t-trouver la sort-tie au N-nord… je ne sais p-pas si ça va b-beaucoup nous aid-der, mais au moins nous savons où nous sommes. » Elle lança un regard sceptique à son cavalier. « Hé bien... Je n'ai jamais vraiment fait attention au labyrinthe. Désolée, Hoonie. » Elle s'excusait, oui, car elle ne servait à rien du tout, sur ce coup-là. « B-bon, ça ne risque p-pas d’être facile, mais je suis sûr q-qu’on p-peut s’en sortir. Ça va b-bien se p-p-passer, ne t’inquiètes p-pas. Le t-tout est d-de faire preuve de logique… p-par contre je ne suis p-pas très d-doué en sortilèges, d-donc… j’esp-père qu’on aura p-pas à s’en servir. » La petite fée Clochette, morte de froid et de peur, fronça les sourcils. Elle devait être déterminée, oui, elle le devait ! Min Hoon lui reprit tendrement la main, lui sourit et lui demanda si elle était prête à avancer. Elle leva un peu la tête pour lui parler. « Disons que c'est un simple jeu ? Ça aidera peut-être... Et puis, fions-nous à mon intuition féminine ? Je sais, c'est bête comme idée, mais j'ai tout le temps une chance incroyable, alors... Très bien, allons-y mais... » Elle hésita un petit instant. « Ne lâche pas ma main, hein ? »

Ils avancèrent donc main dans la main, sur leurs gardes. Hyo Rin tenait fermement sa baguette de sa main libre en cas d'éventuel danger. Si jamais il se passait quelque chose, elle devait se préparer à agir au plus vite. Des frissons parcoururent de nouveau son corps. Ses lèvres étaient surement proches du bleu, maintenant, et sa peau devait être plus blanche que la neige.
Gardant sa baguette en hauteur pour voir plus loin, elle suivait Min Hoon le long du chemin. Soudain, il tombèrent sur une intersection. Déjà. Ça commençait bien ! Elle lança un regard au Geobuk puis aux chemins possibles puis revint au garçon. « On va... à gauche ! » Quoi ? Ils pouvaient bien tenter non, que faire d'autre ?

Il faisait beaucoup trop froid pour qu’ils traînent dehors en t-shirt. Et pourtant, ni l’un ni l’autre n’avait pensé à prendre une veste. Après tout, a-t-on besoin d’un pull en laine quand on va danser dans une salle de bal ? Ah… bah non. Et quand on part en excursion dans un labyrinthe humide, la nuit, sans être au courant ? Ah… ah bah oui. Et si on attrape, on dit merci qui ? Merci monsieur le directeur ! Min Hoon savait bien que sa cavalière était frigorifiée ; mais à moins d’enlever son t-shirt, il n’avait rien pour la réchauffer. Pouvait-il la prendre dans ses bras ? Si seulement il osait… tendre le bras, le poser sur ses épaules, l’attirer contre lui… mais non, il n’en avait pas le courage. Encore un essai ? Il suffisait de lever le bras, lentement, d’avancer et… ah bah non, elle bougea, et il eut trop honte pour oser tenter quoi que ce soit. Honte de quoi ? De n’être seulement que Min Hoon peut-être… malgré tous les efforts de Hyo Rin, il allait sûrement falloir attendre un moment avant que le jeune homme ne se rende compte de leurs sentiments respectifs.
Tracer le plan, c’était aussi un moyen de ne pas penser à cela. Il savait bien que cela ne leur servirait pas à grand-chose, mais avoir une idée, même partielle de la configuration des lieux le rassurait. Il était ainsi : l’inconnu l’effrayait, et il avait toujours besoin d’une base, de se reposer sur quelque chose qu’il maîtrisait pour pouvoir s’en sortir. Le pire c’est que cette fois, il n’était pas seul. Quand il était livré à lui-même, être un boulet n’engageait que lui, et il était le seul à en récolter les conséquences. Là, il se devait de veiller sur Hyo Rin. Il n’arrivait toujours pas à se croire à la hauteur de la jeune femme, et ne comprenait pas pourquoi elle l’avait choisi. Toujours pas. Qu’avait-il qui l’avait ainsi séduite ? L’avait-il vraiment séduit ? Il se souvenait de leur première rencontre, de son fou rire devant ses réponses stupides… elle aurait pu continuer à rire de lui mais maintenant, elle était à ses côtés dans cette galère. C’était son devoir de la protéger. Non, c’était plus qu’un devoir : s’il devait lui arriver quoique ce soit, il s’en voudrait à jamais.
Hyo Rin avait raison, ce n’était qu’un jeu. Un jeu. Il tenait la petite main de Clochette dans la sienne et la serrait fort, comme s’il avait peur de la perdre s’il tournait la tête. Peur irraisonnée peut-être, mais tenace. Elle semblait si fragile dans sa tenue… qu’il s’en voulait de l’avoir invitée, de l’avoir emmenée dans ce fourbi. Il était vraiment le pire des hommes.

« J-je suis désolé… je sup-pose q-que tu aurais p-préféré rester au château… » murmura-t-il piteusement. Il n’osait toujours pas la prendre par les épaules, de peur qu’elle le rejette. L’aurait-elle fait ? Certainement pas ; mais il n’arrivait toujours pas à croire qu’ils étaient un couple. Ils avançaient lentement, à la lumière de la baguette de la jeune fille, et il voyait son corps frissonner sous le vent glacial. En temps qu’homme, il finit par ne plus supporter cette vision. Surmontant ses peurs irraisonnées, il lâcha lentement la main de Clochette, et passa sa main derrière son dos, avant de la poser sur le bras de la jeune fille, et de la pousser doucement vers lui. Il ne savait pas si ça la réchaufferait beaucoup ; mais leurs deux corps collés produiraient sûrement plus de chaleur que séparés. En tout cas, c’était pas en se tenant par la main qu’ils allaient se réchauffer. Avec douceur, il frictionna le bras de sa compagne et continua à avancer, sans un mot. Si elle avait pointé la baguette vers son visage, elle aurait sûrement remarqué à quel point le visage du Geobuk avait une couleur… normale. Il n’était pas rouge tomate et on avait pas l’impression qu’il avait attrapé un coup de soleil. Il faisait un effort pour paraître… mature à côté de Hyo Rin, de paraître rassurant. Ce n’était pas gagné, mais il voulait qu’elle sente qu’elle pouvait compter sur lui. Pour une fois, ce ne serait pas lui qui compterait sur les autres.

Lorsqu’ils arrivèrent au premier carrefour, le Geobuk fit la grimace : de tous les chemins, lequel fallait-il prendre ? Il n’en avait aucune idée. Il détestait choisir à l’aveugle, et être au pied du mur. Et là, il combinait les deux. Hyo eut la délicate idée de choisir à sa place. Prendre à gauche ? D’accord, ils iraient par là. Gardant Clochette contre lui, il tourna à gauche, et s’engagea dans le sombre chemin. Il ne prit même pas la peine de regarder autour de lui, puisque ces chemins se ressemblaient tous. Il préférait faire confiance à Hyo Rin, et à son fameux instinct féminin. Lui n’en avait aucun : il se perdait tout le temps, et souvent dans les endroits les plus incongrus. Si Hyo Rin lui faisait confiance, ils risquaient bien de revenir systématiquement à leur point de départ. Ils continuaient de marcher, prudemment. Qui savait ce qui pouvait leur tomber au détour d’un croisement ? Le jeune homme ne savait pas vraiment quoi dire pour lancer la conversation. Timidement, il prit la parole, sans quitter le sol des yeux.

« Hyo… p-pourquoi as-t-tu voulu être mon p-professeur p-particulier ? Je veux d-dire… ça m’a rendu heureux, t-tu sais. »

C’était une question qui le taraudait depuis un moment. Maintenant qu’ils étaient seuls, c’était peut-être le meilleur moment pour en parler… ou peut-être pas. Mais se confesser lui faisait du bien, tout en faisant battre violemment son cœur dans sa poitrine. Et si elle le rejetait, ici et maintenant ? Non, elle ne le ferait pas… elle ne pouvait pas, hein ? Il l’espérait de tout son cœur. A présent qu’il était ici, dans ce labyrinthe, il se rendait compte à quel point son cœur battait vite quand elle était là ; comment elle lui donnait confiance en lui, lui faisait faire des choses qu’il n’aurait jamais osé avant. Il ne savait pas comment appeler ce qu’il ressentait ; amoureux ? Il ne connaissait pas ce mot. Ou plutôt, il ne connaissait pas sa signification. Comment aurait-il pu tomber lui amoureux, lui qui jusqu’il y a deux ans, n’avait connu personne à part de vieilles chouettes armées de baguettes ? Non, ce qu’il ressentait en ce moment ne ressemblait à rien de ce qu’il avait connu. Peut-être était-ce lié à l’endroit, la situation, leur proximité, mais ce qu’il ressentait pour elle était empreint de douceur, de respect et peut-être un peu d’amour… voire totalement. Il n’arrivait juste pas à en prendre totalement conscience.

Le chemin se divisait à nouveau en deux. Arrivés au croisement, les deux jeunes gens s’arrêtèrent, hésitant à nouveau sur la direction à prendre. Devaient-ils continuer sur la gauche, ou prendre à droite ? Le Geobuk serra un peu l’épaule de Clochette, et tourna la tête pour la regarder, les joues rougies, et pas seulement par le froid.

« J-je vais nous sortir d-de là. Aie c-confiance en m-moi… s’il te p-plaît. » murmura-t-il avant de se diriger d’un pas mal assuré vers la droite.

A gauche. Elle était attirée par le chemin de gauche. Pourquoi ? Hé bien... Il n'y avait pas vraiment de raison à cela. Hyo Rin avait la conviction que s'ils se dirigeaient vers la droite, il leur arriverait malheur, et c'était ce qu'elle cherchait à éviter. C'est en partie pour cela qu'elle avait ainsi imposé son choix à son cavalier. Pour qu'elle ne regrette pas de ne pas avoir insisté, pour qu'elle ne ressente pas un poids sur ses épaules. Mais fort heureusement, Min Hoon n'avait pas contesté son choix inexpliqué et ils s'engagèrent dans le chemin le plus sombre des quatre. Ça ne disait rien qui vaille à la jeune fille, mais elle était frigorifiée, elle voulait sortir au plus vite et il fallait faire un choix. Alors c'était la gauche, et peu importe ce qu'il se passerait par la suite.

La lueur de sa baguette était presque insuffisante. Le directeur avait-il lancé un sort pour que les élèves se retrouvent dans le noir absolu ? Si c'était le cas... la fée Clochette était vraiment dans une école de fous furieux. Et puis, à quoi tout cela rimait-il ? Faire une petite frayeur à ses élèves pour Halloween, profiter de l'évènement pour les sortir du train-train quotidien ou encore les occuper à chercher un partenaire, un costume et tout ce qui s'en suivait, d'accord. Pourquoi pas. Mais les envoyer dans un labyrinthe plus noir que la nuit elle-même, seuls, aussi peu habillés que les hommes de Cromagnon – sauf pour ceux qui avait décidé de se déguiser en yéti plein de poils chauds – c'était une idée des plus... inconcevable ? Inconcevable et pourtant réalisée par M. le Directeur d'Akiwa, que tout le monde se devait de remercier en cette nuit spéciale.
C'est alors qu'une hypothèse se forma dans le cerveau de la petite brune. Et si tout cela avait été organisé dans l'unique but de les mettre à l'épreuve ? Ou alors un exercice, un examen, peut-être ? Il fallait donc être à la hauteur et sortir des lieux grâce à la magie et à la matière grise.

Restant sur ses gardes, dans les bras de Peter, Clochette scrutait silencieusement le chemin étroit dans lequel ils s'étaient engouffrés. Elle ne cherchait pas à lancer la conversation, elle réfléchissait dans l'espoir de comprendre tout ce que ce cirque signifiait. Mais Min Hoon décida de briser le silence. « Hyo… p-pourquoi as-t-tu voulu être mon p-professeur p-particulier ? Je veux d-dire… ça m’a rendu heureux, t-tu sais. » Ne s'arrêtant pas de marcher, elle baissa les yeux. A vrai dire, elle n'avait aucune réponse à sa question. Elle n'avait absolument pas compris pourquoi elle avait réagi ainsi le jour de leur rencontre. Il était vrai qu'elle était encore immature, en ce temps-là. Hyo Rin avait bien changeait depuis ou du moins, bien mûri. Elle savait qu'un jour, Min Hoon lui poserait cette question, hé bien voilà, c'était fait. Il était temps qu'elle dise enfin ce qu'il s'était passé pour elle, dans sa tête et dans son cœur, à cette veille des vacances d'été. Elle releva la tête et fixa son regard aussi loin qu'elle le pouvait. « Mmh... Je sais pas, Hoonie. C'était comme ça, j'ai pas réfléchi. Peut-être que c'est parce que t'étais mignon. Ou non ! Plutôt parce que j'étais un peu révoltée de te voir comme ça, face à cette idiote. » Elle hésita, laissant un blanc dans son explication. Tout autour de sa relation avec Min Hoon était inexpliqué et surement inexplicable. Comment était-elle venue à l'aimer si fort ? Elle ne le savait pas du tout. Mais elle n'y pensait jamais, à vrai dire. Elle l'aimait et c'était tout. Tant qu'elle avait conscience de ce qu'elle ressentait, ça lui suffisait. En revanche, elle ne savait rien des réels sentiments du beau Peter à son égard et ça la gênait un peu, parfois. Ce pourquoi elle n'osait lui dire ces deux petits mots qui font tellement plaisir. Elle inspira profondément. « Ou peut-être que j'étais bête et gamine parce qu'on devait se rencontrer et s'apprécier. » Elle sourit. S'apprécier. Elle avait dit "s'apprécier". Non, elle n'avait pas osait, une fois de plus. La Muneo ferma les yeux, grelottant dans les bras de son compagnon, excédée et fâchée contre elle-même. « Enfin... Tu vois quoi, peut-être que ça devait se passer comme ça. J'ai pas d'autres explications. Je devais être ridicule mais... Si on en est là, c'est grâce à ça... » Elle avait une idée précise de ce qu'elle voulait dire, mais elle ne trouvait pas les mots, ou du moins, ceux-ci ne voulaient pas sortir. Peut-être que le meilleur moment était celui-ci pour lui dire « je t'aime, hein... ». Comme ça, dans la mesure où il lui répondrait de façon négative, elle pourrait courir loin, très loin, et mourir dévorée par une bestiole étrange sortant d'un coin du labyrinthe. Mais elle n'en avait pas vraiment le courage à cet instant précis, alors qu'il y a encore de cela un an, elle aurait dit ça le plus naturellement du monde. Elle soupira.

Le chemin se divisait désormais en deux. Son instinct lui indiquait, cette fois, la droite, toujours sans aucune raison. Hyo Rin leva la tête en direction de Min Hoon, sentant le regard de celui-ci se poser sur elle. Elle avait les lèvres vraiment bleues, maintenant. Au moins c'était clair, elle était comme une sorcière chez les moldus. Ils ont tendance à croire qu'une sorcière, c'est moche, c'est dégoutant et ça mange des queues de lézards au petit déjeuner. Et bien, là, les lèvres bleues la rendait... Presque comme ça. Du moins pour elle, car elle n'était pas vraiment laide.
A la lueur de sa baguette, la jolie Clochette voyait parfaitement les joues rougies du Geobuk. Elle le trouvait vraiment mignon. Elle lui aurait surement sauté au cou, avant. Mais le passé est le passé.

« J-je vais nous sortir d-de là. Aie c-confiance en m-moi… s’il te p-plaît. » C'était bien la première fois qu'elle voyait Min Hoon aussi confiant. Jamais il ne lui avait parlé ainsi. Aussi décida-t-elle de le soutenir et de ne rien dire sur le chemin qu'elle souhaitait prendre. Il l'entraina vers la droite. Un sourire se dessina sur les lèvres de la brunette. Coïncidence ? Peut-être, même surement. Mais elle interpréta cela comme le lien qu'il y avait entre les deux. Chassez le naturel, il revient au galop et ça se constatait ici. Pour penser ainsi, il fallait bien avoir affaire à l'ancienne Hyo Rin, un peu fofolle.
Elle s'arrêta un instant, se tourna vers le jeune homme, se mit sur la pointe des pieds et déposa un léger baiser sur la joue de Peter. « Je te fais confiance, ne t'inquiètes pas. » Son sourire empli de gentillesse devait surement rappeler à Min Hoon les premiers jours qu'ils avaient passé ensemble.