J’écoutais le discours du directeur avec une attention quelque peu attirée par la personne qui se trouvait à mes côtés. Je crois bien que pour le même genre de raison raison, je fis un pas vers l’avant par pur automatisme, entrainant avec moi ma cavalière. Lorsque la haie se referma sur nous pour nous confronter au silence du labyrinthe, je me dis soudainement que j’aurais mieux fait de rester terré dans mon lit. Moi qui manquait d’adrénaline dans ma vie faussement monotone, je crois bien que j’allais être servit. Et dans mon imbécilité, j’avais eu la merveilleuse idée de « râler » cette pauvre Sachiko avec moi. Puisse-t-elle un jour me pardonner … Amen.
Il faut dire que l’inviter fut une idée purement fortuite qui me passa par l’esprit il n’y a pas si longtemps que ça, alors que j’étais tranquillement en train de m’affairer à un fichu devoir d’Histoire de la Magie. Après être parti au précédent bal, l’idée de participer à celui d’Halloween ne m’avait pas, contre toute attente, répugné plus que de raison. Je ne ressentais pas une envie absolue d’y aller, mais je n’y présentais pas pour autant un rejet indiscutable. La seule chose pour laquelle on ne m’aurait plus serait, je vous l’assure, de demander conseil à Hikaru. En parlant de ça, je ne me suis toujours pas vengé tiens … Bref. Je disais donc que c’était en plein travail que j’eus le désir subit d’inviter Sachiko … Sachiko, Sachiko.
Depuis la date anniversaire – ha ha – de la mort de Soo Mee, j’avais commencé à voir cette fille sous un autre angle. Disons plutôt qu’avant, je ne la considérais sous euh … Aucun angle en fait. Elle n’était pour moi que l’ancienne meilleure amie ou quelque chose dans le même genre de ma défunte petite amie. Ne la voyant ni en bien, ni en mal, j’avais ressenti pour elle une douce indifférence … Pourtant, depuis qu’elle m’avait vu pleurer, depuis qu’elle m’avait vu anéanti après la lecture de cette lettre maudite, mon cerveau a soudainement constaté que, oh miracle, Sachiko aussi existait. Que Sachiko aussi était une femme, jolie et sympathique lorsqu’elle n’avait pas l’intention d’embêter son monde. Et ce fut, inspiré par le merveilleux chapitre que nous voyions en Histoire de la Magie – « la magie des mille et unes nuits » - que je partis demander … Son bras à Sachiko.
Courageux ou complètement fêlé, je ne sais pas, j’avais osé m’aventurer vers la table des yunikons, le lendemain matin, à l’heure où presque tout le monde traînait encore dans leur salle commune respective. Je m’étais approché de Sachiko, aussi rouge qu’une écrevisse, et lui avait demandé timidement si elle voulait bien m’accompagner au bal. Je mourrais de gêne, et je ne doute pas que cela ait pu prouver la sincérité de mes mots. Je ne rougissais jamais. Je ne faisais jamais le premier pas. J’étais réservé certes, mais jamais gêné. La dernière fois, ce n’était même pas moi qui avais fait le premier pas, mais Mizuki … C’est pour vous dire à quel point je suis loquace en temps normal. Cette lettre m’avait énervé. Et je ne sais pas si c’était plus à Soo Mee ou à moi-même, mais en invitant Sachiko, je voulais prouver que moi aussi, j’étais capable de faire quelque chose. Que j’étais capable de sortir de cette inertie qui me rongeait jusqu’à l’os. Sachiko avait-elle ressenti cette détermination ? Peut-être qui sait. La preuve : elle avait accepté de venir avec moi au bal. N’était-ce pas là un miracle du Seigneur ? Je ne pouvais pas moi-même croire à une telle chose. Qu’on accepte d’aller quelque part avec moi … Que Sachiko – comprenez bien : SACHIKO – accepte d’aller quelque part avec moi … Franchement, cela ne pouvait que me choquer. Mais bizarrement … J’étais content.
Lorsque le jour J arriva, mon stress ne fit que doubler. Combattre un mage noir semblait si facile à côté de sortir avec une fille ! A croire que j’avais oublié la sensation que cela procurait tellement j’étais devenu asocial du sexe opposé. Mais j’avais préparé tellement de choses …. A force de vouloir que tout soit parfait, je me créais une crainte inutile. Et si Sachiko n’aimait pas ce que j’avais prévu ? Et si elle me sortait à la dernière minute qu’elle ne préférait pas se présenter devant les autres avec un plouc tel que moi ? Omona, à ce moment-là, je n’aurais plus qu’à retourner à la surface et me suicider en me jetant du haut de la Tokyo Babylon ou encore du pont de San Francisco. Mais, attendez … Quand avais-je commencé à accorder autant d’importance à la réaction de Sachiko ? Il y avait quelque chose qui n’allait vraiment pas rond.
J’avais passé toute la journée à finaliser tout mon attirail. En l’invitant, je lui avais gentiment proposé que nous nous déguisions en Jasmine et Aladdin. Elaborer un tapis volant et une lampe magique était un trip de sorcier intello que j’avais toujours voulu me taper. Heureusement que j’avais tendance à m’y prendre à l’avance, sinon jamais je n’aurais pu y parvenir à temps. Je ne comptais plus le nombre de tentatives infructueuses que j’avais fait avant d’arriver au bon résultat. En fin de compte, je crois bien que si Sachiko n’aimait pas, je la tuerais de mes propres mains. Je n’étais peut-être pas aussi sympathique que ce que j’aurais pu croire … Mais comprenez-moi. J’avais préparé tout mon petit show avec
amour, visant à éblouir Sachiko. JE voulais sincèrement qu’elle se sente bien et qu’elle ne regrette pas d’être sortie avec le petit Shinoda Yutsuki.
A sept heures tapantes, je m’étais retrouvé devant la … Fenêtre de Sachiko, mon
costume fin prêt. Comme ledit Aladdin, je portais une chemise sans manches mauve et ouverte, ainsi qu’un sarouel blanc bouffant auquel j’avais ajouté une ceinture, et dans laquelle se trouvait ma baguette.Contrairement à Aladdin qui arrivait à marcher pied nus sous le soleil africain, j’avais préféré prendre des tongs égyptiennes, des fois que mon pied n’entre en contact avec des substances étranges ou dégoutantes. Assis sur mon tapis volant, j’avais frappé trois coups à la fenêtre de Sachiko. Et là, ce fut le choc. Autant elle ne semblait pas s’attendre à ce que j’arrive par sa fenêtre, autant je ne m’attendais à la trouver si … Si … Comment dire … Si belle. Avait-elle des origines orientales ? Oui non bon … Je restais un homme, avec des yeux plus ou moins bons alors … Comme une sorte de réflexe, je lui dis qu’elle était magnifique habillée comme cela. Cela était tellement spontané de ma part qu’il y aurait été impossible de voir une quelconque tentative de drague. Je finis cependant par reprendre mes esprits en lui tendant la main, un petit sourire apparaissant sur mes lèvres.
« Princesse Jasmine me ferait-elle l’honneur de monter sur mon noble tapis ? »Je crois bien qu’il y a longtemps que je ne m’étais pas senti aussi satisfait de moi-même. Oui, longtemps.
Durant le bref trajet vers le réfectorium, je lui vantais, d’un ton mi amusé, mi moqueur les vertus de mon tapis. Elle qui aimait tant l’écosystème serait ravie de savoir que mon tapis ne polluait pas et était fait en fibres purement naturelles. Oui bon. J’avoue que je lui racontais des trucs totalement débiles pour essayer de regarder autre chose que … Que son costume, oui, que son costume. Il était très beau son costume de toute manière, non ? Même le discours du directeur semblait secondaire comparé à cette fille qui se trouvait à côté de moi. N’allez pas croire que j’avais eu un coup de foudre subit pour elle, non loiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiin de là – enfin, c’est ce qu’on dit -. C’était juste, comme je vous l’ai dit, qu’elle était horriblement bien habillée. Quand elle voulait, elle savait ressembler à autre chose qu’un manche à balai [#SBAFF]. Malgré cela, je restais encore plein de doutes : et si j’avais fais une erreur ? Et si je faisais une erreur ?
Un elfe venu de nulle part me surprit dans ma contemplation silencieuse, pour ne mener poliment vers l’endroit où la petite fête était sensée se dérouler. Au début, cela ne me faisait ni chaud ni froid, pourtant … Passer devant le cimetière le soir d’Halloween avait quelque chose d’assez impressionnant si je puis dire. Bordel de merde, qu’est-ce que je pouvais bien faire là ? Il y avait quelque chose de mauvais qui se tramait je le sentais. Après tout, n’étions-nous pas dans une école de malades mentaux ? Le labyrinthe qui s’éleva très rapidement devant nous me conforta dans mon impression d’appartenir à une école de gens à enfermer à un milliard de tours dans une chambre d’hôpital. Enfin, si le directeur tout seul était enfermé, ce serait déjà pas mal comme truc je pense.
Impressionné par la hauteur des haies s’élevant devant moi et par cette atmosphère morbide et effrayante, je fis un pas en avant, entraînant avec moi ma cavalière étant donné que j’avais posé mon bras sur son épaule au moment où nous étions arrivés au cimetière. Encore une fois, ce n’était pas du tout dans l’objectif de jouer les machos dragueurs, mais j’étais protecteur par nature. Et notre aventure dans les cachots et la peur qu’elle y avait ressenti ne m’était pas non plus sortie de la tête. Mais les toutes les bonnes pensées qui m’assaillaient disparurent derechef lorsque je constatais que les haies derrière nous s’étaient refermées, alors que je voulais demander à l’elfe de maison combien de temps ils avaient pris pour aménager le labyrinthe. Le silence lourd et profond fut mon seul homologue l’espace de quelques instants, jusqu’à ce que je laisse échapper un rire nerveux.
« Tu sais c’est quoi le point positif dans tout ça ? C’est que tu portes des babouches. »Bah oui quoi … A mon avis, nous n’étions pas loin de passer un trèèèèès long moment entre ses euh, deux haies donc … Je n’osais pas imaginer toutes ces filles – ou mecs, qui sait ! – qui portaient des talons. Je n’aurais pas voulu être à leur place … L’absurdité de ma réflexion m’échappa lorsqu’un cri de loup-garou raisonna dans le silence de la nuit. Je tournais lentement la tête vers Sachiko, les yeux ronds comme des soucoupes. Et bah, on était pas dans la merde. Je sortis sans plus réfléchir ma baguette, indiquant à Sachiko de faire de même, l’air sérieux.
« A mon sens, un sortilège tel que celui des quatre-points serait inutile dans notre situation. Nous sommes encore au début du labyrinthe, sans aucune idée concernant la sortie. Il vaut mieux attendre encore un peu … A moins qu’on puisse s’en servir pour ne pas revenir sur nos pas … Ah ! Pourquoi ne pas utiliser Flambios ? Au moins, on pourrait laisser des marques de feu sur le sol pour que nous ne repassions pas par les chemins, non ? »J’avais déblatéré tout cela à une vitesse impressionnante, restant cependant compréhensible. Si je ne trouvais rien, j’allais me sentir mal et totalement perdu. Pourtant, ne l’étions-nous déjà pas ? Le fait de voir la haie se refermer sur l’entrée ne fit que confirmer mon idée quant à la mobilité des haies. A nouveau, un rire nerveux m’échappa.
« Sinon, la famille ! Tu sais, l’entreprise de mon père a fusionné avec une firme sorcière nord-américaine créant des baguettes magiques … Je crois bien que j’vais avoir pleins de cadeaux à Noël ! »