"Voici les principaux titres de ce jeudi 12 Août 2010: Dans l'affaire Ishimoto Haruka, le principal suspect, Ishimoto Shinji, a été écroué et condamné à la prison à perpétuité accompagné d'une période de sûreté de vingt-deux ans. L'autre suspect de cette affaire, Hoshino Nao, a été jugé pour extorsion de fonds et a été condamné à la peine minimale, c'est-à-dire trois ans de prison avec sursis. De plus amples détails seront donnés pendant notre bulletin. L'autre titre de cette journée est le début..."

Nao prit la télécommande et éteignit sa télévision. Il n'avait pas besoin de voir en détail du procès, étant donné qu'il y avait assisté, et dans le box des accusés s'il vous plait! Il se leva et sourit; trois ans avec sursis, ce n'était rien... Surtout après avoir extorqué presque cinquante millions de yens à la mère se son ex petite-amie et accessoirement son amante. Finalement, ça avait énormément d'avantages, d'avoir un papa directeur d'un cabinet d'avocats... Il alla vers sa table de cuisine et prit son courrier. Des factures, une carte postale de son père, encore une facture, et... Tiens! C'était quoi ça?
Il ouvrit l'enveloppe et lut attentivement la lettre. Son nom avait été sélectionné parmi tous les registres d'états civil du continent asiatique et il allait participer à une croisière de rêve! Vol de Tôkyô jusqu'à Incheon inclus et embarquement le 28 Août. Mon oeil... Elle était où, l'arnaque? Fallait pas l'appeler con, quand même! Lui, participer à une croisière alors qu'il était en liberté conditionnelle? Enfin bon... Il lut toutes les conditions, écrites en tout petit en bas de la feuille, et vit que ce n'était pas réellement une arnaque. Seconde preuve, le billet d'avion pour Séoul ainsi que celui pour la croisière joints avec la lettre dans l'enveloppe. Tout ça n'était donc pas une arnaque... Mais est-ce que les juges seraient d'accord avec son départ du sol japonais? Roh et puis on s'en fiche! Il allait s'éclater sur cette croisière, autorisation de l'Etat ou non! Et puis, s'il le pouvait, il se taillerait bien lors d'une escale au Cambodge ou en Chine... Après tout, avec l'argent qu'il avait caché dans son placard, ça devrait suffire... Le seul obstacle était Papa Hoshino. Mais il devrait se débrouiller, son père l'adorait.

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''Bonjour et joyeux Noël à tous! En cette journée du 25 décembre 1990, nous vous annonçons les principaux titres: Tout d'abord, de nombreuses perturbations ont été constatées dans toutes l'île de Honshu, dues à la neige qui est tombé en masse cette nuit. Jusqu'à cinquante centimètres de poudreuse ont été relevés à Sendai, rendant la totalité des routes de l'île impraticables...''

Hoshino Toma regardait les informations depuis le poste de télévision de l'hôpital. Lui et sa fille Sora étaient dans la salle d'attente depuis déjà deux heures. Deux heures que sa femme, Hoshino Shiori, était en salle d'accouchement afin de mette au monde leur fils. Et ce n'était que le début. Cinq heures plus tard, à 14h26 exactement, le petit garçon décida de pointer le bout de son nez pour ouvrir doucement ses petits yeux sur le monde. Son père le vit pour la première fois dans la pouponnière presque vide de la maternité. En cette période de crise, peu d'enfants naissaient, même à Kobe. Nao était l'un des seuls enfants nés le jour de Noël. Pour cette occasion spéciale, les infirmières avaient sorti des cartons de beaux bonnets de Père Noël pour couvrir les têtes des nourrissons. Ils avaient vraiment la classe dedans, de futurs petits lutins! Nao aussi y avait eu le droit, et pour son père, il semblait encore plus beau que les autres. Il était fier, fier de son fils nouveau-né, fier de sa famille, fier de ce que sa femme accomplissait tous les jours et venait d'accomplir. Il pensait que sa vie allait maintenant être parfaite, lui qui venait d'ouvrir son cabinet d'avocats à Ôsaka. Sa vie allait enfin se dérouler paisiblement. Lui, Shiori, Sora et Nao, une famille heureuse, unie; la fratrie parfaite, en somme.

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''Flash Spécial: Veuillez nous excuser de l'interruption momentanée de votre programme. Mais en ce jour du vendredi 17 Janvier 1995, un terrible désastre vient d'ébranler notre pays tout entier. A 5h46 ce matin, un séisme de magnitude 7,3 sur l'échelle de Richter a détruit une grande partie de la ville de Kobe. On compte déjà plusieurs milliers de morts et d'innombrables blessés et disparus. Les secours qui viennent d'arriver sur place peuvent mesurer l'étendue des dégâts, comme la destruction d'un nombre considérable de bâtiments jugés auparavant anti-sismiques...''

Nao avait venait d'avoir quatre ans à l'époque. Il vivait heureux dans un quartier résidentiel en périphérie de Kobe. L'argent ne manquait pas, et ses parents ainsi que sa sœur le couvrait de leur amour démesuré. Ce 17 Janvier, à 5h46, Nao dormait comme un enfant, faisant de beaux et doux rêves lorsqu'une secousse le réveilla. Il fit alors ce qu'il avait appris à l'école: Il se leva la tête dans les nuages et alla se terrer sous son petit bureau. Il se boucha les oreilles lorsque les deux étages de sa maison s'effondrèrent, causant un immense vacarme. Il entendit Sora crier, puis plus rien. Il se réveilla quelques heures plus tard, toujours recroquevillé dans la même position. L'air vicié de poussière le faisait tousser et il se rendit compte qu'il était prisonnier d'une poche d'air provoquée par la surface du bureau. Heureusement que sa chambre était au dernier étage, de cette façon il n'avait pas une quantité énorme de décombres au-dessus de lui. Il entendit alors des bruits de gravats, comme si on remuait toutes les ruines de sa maison afin qu'on le retrouve. La première chose qu'il vit lorsqu'un trou se fit parmi les décombres fut la neige. La même neige qui lui avait souhaité la bienvenue dans ce monde cruel et qui, ce jour-là, l'accueillait de nouveau tel un mort définitivement enterré qui renaissait de ses cendres. Lorsque le petit eut suffisamment de place pour sortir à l'air libre, il découvrit alors l'Enfer. Enfin, il ne savait pas ce que c'était vraiment, mais il voyait des ruines à perte de vue, entendait des sirènes assourdissantes et sentait l'odeur des poussières, des feux et de la mort. On le descendit avec précaution devant un père terrifié et une masse recouverte d'un drap blanc. Il attendit avec son père dans le froid, blotti dans une couverture de survie; la nuit tomba et Toma serrait toujours aussi fort son enfant, presque à l'étouffer, en fixant les ruines de la maisons qu'il avait fini de construire quelques année auparavant et qui paraissait si sûre... Les secouristes s'affairaient puis sortirent comme une petite marionnette des décombres. Le père de Nao courut jusqu'aux pompiers avant de découvrir que la marionnette était définitivement désarticulée, qu'elle ne pourrait plus jamais vivre. Cette poupée n'était autre que le corps d'Hoshino Sora, huit ans. Nao la vit passer devant lui, se disant qu'elle était endormie, qu'on allait la transporter autre part... sans lui. Il courut après le corps de sa soeur, criant et suppliant qu'il voulait rester avec elle. On la transporta vers l'autre masse et on déposa sur elle un autre drap blanc. Eh oui... Comme vous l'avez sans doute compris, l'autre masse n'était autre que la mère de l'enfant, Hoshino Shiori, elle aussi morte suite au séisme. Nao se retrouvait donc dans un décor apocalyptique, seul avec son père. Toutefois, ce dernier lui témoigna encore plus d'affection qu'avant, le prenant pour un miraculé et faisant de lui un petit roi, sans se douter que sa Majesté allait devenir de plus en plus ingrate avec lui au fil des ans.

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''Ce soir sur NHK, un documentaire inédit sur un sujet encore tabou... Dans la plupart des écoles, les élèves pratiquent l'ijime, consistant à ce qu'une classe choisisse un bouc-émissaire et lui fasse subir toutes sortes de tâches ou de pratiques humiliantes. La plupart du temps, ces victimes refusent de parler ou les autres ferment tout simplement les yeux sur ce fait. L'ijime, simple bizutage entre adolescents ou reflet terrifiant du monde réel? C'est ce qu'une équipe de psychiatres a tenté de démontrer grâce à de nombreux témoignages...''

Haha, la blague! Comme s'ils en avaient à battre des victimes qui deviennent dépressives ou qui en meurent, de ces tortures! Ce qui compte, ce sont juste les taux d'audience et les parts de marché de la chaine...
Nao venait de rentrer du lycée lorsqu'il entendit cette publicité. Avec son œil au beurre noir, ses bleus dans le dos et son estomac vide, on pouvait constater tout de suite que, naaan, l'ijime, ce n'était rien! Il leva les yeux au ciel et se mit à faire ses devoirs. Le juku, vous dites? Très peu pour lui! Pour se retrouver avec un con qui le prendrait pour un gosse au QI égal à celui d'une moule, non merci! Monsieur Nao avait une très haute opinion de lui-même, et il avait de quoi. Ses notes frôlaient les 100 dans toutes les matières, mais des ombres plainaient tout de même au tableau. Il avait ce qu'on pourrait appeler une belle gueule mais malheureusement, ses traits étaient un peu trop féminins et son corps très mince n'arrangeait pas les choses. En conclusion, les racailles de son lycée pour gosses de riches s'étaient mis en tête d'en faire baver le plus possible à ''l'autre tapette''. Il avait tout les jours le droit à des railleries – qui ne le touchaient même pas, mais ça leur faisait tellement plaisir qu'ils les laissaient faire. Un jour, ils l'avaient menacé avec un couteau s'il n'allait pas voler des préservatifs au convini de la rue adjacente au lycée. Mais ce que les bourreaux bourrins n'avaient pas prévu, c'était le fait que ce chétif petit homme de quatorze ans avait décidé de faire le rebelle! Pas en les tapant, non – il savait qu'il n'avait aucune chance, quand même! - mais en faisant fonctionner sa matière grise. Alors, il se fit bien remarquer du vigile à l'entrée ainsi que de la caissière en cachant pas très discrètement la petite boite. Donc, évidemment, arrestation et tout le tintouin suivirent. Il dit aux gentils policiers que c'étaient ses gentils amis qui lui avaient demandé gentiment de le faire. Bien sûr, il y mit toute l'ironie du monde, comme vous l'aviez sans doute constaté. Toutefois, Nao n'avait pas compris qu'il était loin d'être le seul d'être la victime de ce genre de pratiques et que les policiers avaient pas mal de dossiers dans le genre. Ces derniers ne firent rien, en pensant sans doute que les choses se tasseraient vite, que ce n'étaient que des adolescents... Mais ce fut, au contraire, encore pire. Nao eut le droit au racket, aux injures de tous les élèves de son lycée, aux agressions quasi-quotidiennes... Pourtant, il ne se reclut pas chez lui pour fuir l'école, bien au contraire. Nietzsche a dit ''Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort''. Une conception assez SM de la vie et de ses obstacles, certes, mais il n'avait pas totalement tort. Alors Nao affrontait tout, se prenait tout dans la gueule, mais gardait la tête haute. Lorsque son père lui demandait comment il avait été capable de se prendre autant de coups, il répondait simplement qu'il avait tenté de sauver un de ses amis et qu'il s'était tout pris. La loyauté, une des grandes qualités de Nao... Que personne ne connaissait, étant donné qu'il n'avais PAS d'amis. Son père, très occupé avec toutes ses affaires, se doutait de quelque chose, mais n'avait pas le temps de regarder la chose de plus près. Personne ne se doutait que derrière ce côté intello, Nao cachait une personnalité aussi sadique que celle de Nietzsche... Pendant qu'on le martyrisait, une idée germait doucement dans sa tête et prit une ampleur considérable. Il n'avait peut-être pas de muscles, mais ils les auraient tous, sans exception. Même si lui devait se faire pincer avec eux, tant pis.
Il débita de l'argent de son propre compte – bien fourni, si vous voulez le savoir – et sortit de son train-train habituel et de ses bouquins pour aller trainer dans les quartiers mal famés d'Ôsaka. Quelques prostituées lui vantèrent les avantages de ces services, en lui disant que peu d'aussi beaux garçons avaient eu l'avantage de leur passer dessus. Son unique réaction fut de lever les yeux au ciel et de continuer tranquillement son chemin jusqu'à de petits dealers, à qui il acheta à chacun de petites quantités. Mais une brique plus une brique égal une maison, et Nao se retrouva très vite avec un stock de cannabis, de coke et autres substances en tout genre assez conséquent. Il entreprit de tout vendre dans son lycée, en particulier à ses petits copains aussi adorables que leurs matraques et autres battes de base-ball. Sans grande surprise, il leur vendit la quasi-totalité de la marchandise tout en touchant des bénéfices – autant les plumer en même temps, il ne le pourrait plus après la vente... Les professeurs se rendirent vite compte du trafic de stupéfiants sévissant dans le lycée. Ils interrogèrent une partie des élèves et au cours de ces questionnaires, plusieurs noms réapparurent comme étant les ''dealers'', les ''têtes à abattre'' de l'établissement. Nao fut également interrogé et les accusa de la même façon. Ses principaux bourreaux, suite à son témoignage et à celui de tous les autres, furent arrêtés pour trafic et recel de stupéfiants. A leur têtes, complètement... stupéfaites?, on pouvait constater qu'il s'agissait d'une surprise pour eux. Mais personne ne s'apitoya sur leur sort de délinquants, voire même de prisonniers pour certains. Après que Nao fut remis en liberté avec une amende d'environ 50,000 yens, toutes ses agressions, toutes les insultes stoppèrent. Papa Hoshino avait entendu l'affaire et avait décidé de retirer son fils de cette école pour futurs malfaiteurs, comme il le disait si bien. Nao avait tout gagné dans cette histoire. Non seulement personne n'avait cru la joyeuse bande de cons lorsqu'ils juraient que le meilleur élève du lycée, toujours fourré dans ses livres, leur avait refilé la came, mais en plus, ils l'avaient revendu en petites quantités à tous les élèves du lycée pour se faire du fric, créant de nombreux témoins contre eux! Quels débiles... Il comprit vite que sa bouille aux traits un peu trop doux et son intérêt pour les livres pouvait lui permettre de faire autre chose en même temps, et quelles choses... Bien plus belles et excitantes à pratiquer, celles-ci...

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''Nous sommes le vendredi 13 Février 2009 et voici les principaux titres que nous allons développer au cours de cette édition. Les préparatifs des élections législatives sont en cours. C'est donc la dernière ligne droite pour les principaux partis du pays, qui cherchent à grappiller quelques électeurs par tous les moyens. Mais avant, un terrible meurtre a été commis à Kawasaki. La victime, Ishimoto Haruka, trente-neuf ans, a été étranglée, a reçu deux balles en pleine tête puis a été enfermée dans la nappe de sa propre salle à manger! L'enquête est en cours. La victime, découverte nue, est en cours d'autopsie afin de retrouver de quelconques traces de son meurtrier. Ses deux enfants sont actuellement mis en garde à vue et interrogés. Plus de détails avec notre correspondant sur les lieux, Mimura Hideo.''

Nao entra dans le salon au moment où les informations avaient commencé. Son père avait enlevé ses chaussures, défait sa cravate et buvait tranquillement un bière, comme si on lui annonçait un temps magnifique. Le jeune homme, maintenant âgé de dix-sept ans, baissa les yeux lorsqu'il entendit les gros titres de l'actualité. Tel un enfant qui avait fait une grosse bêtise – et c'était le cas de le dire là! - alla se mettre à table sans commentaires. Son père vit son humeur maussade mais ne se douta de rien. Encore un chagrin d'amour d'adolescent, se disait-il. Il n'avait pas totalement tort, mais le résultat était pire que tout ce qu'il pouvait penser...
Après être parti d'Ôsaka et de ''ce lycée de racailles'' dont la cote a chuté d'un coup en l'espace de quelques jours – merci qui? Merci Naooo! - il se retrouva dans une maison des beaux quartiers de Tôkyô. Certes, elle était un peu trop grande pour y vivre à deux, mais on s'y faisait. Son père rentrait de plus en plus tard du travail, ou ne retrait plus du tout, et notre petit en profita pour se balader et connaître son monde. Tout allait mieux, même dans son nouveau lycée. Il avait quelques bons amis, ses notes étaient toujours les mêmes, il aidait les autres en difficulté... Mais surtout, elle y était. Sa voisine. Ishimoto Sakurako, seize ans. Il l'avait rencontré peu de temps après son emménagement, lorsque son père et lui s'étaient présentés aux habitants du quartier. Une question de principes, disait-il. Il la vit pour la première fois dans le jardin et il lui trouva tout de suite un nombre incalculable de qualités. Après une longue discussion entre ces cinq personnes – car Ishimoto Haruka vivait seule depuis son divorce – ils devinrent de parfaits petits voisins, amicaux et serviables. Une relation qui promettait de durer longtemps, mais c'était sans compter sur Nao qui allait foutre définitivement la merde. Sakurako étant dans le même lycée que notre grand héros, mais au niveau inférieur, Haruka eut une idée sur le moment fabuleuse: les faire rentrer ensemble. Nao accepta mais au fil du temps, devint de plus en plus troublé par la jeune fille, s'énervant quand un garçon l'approchait et la protégeant tel un grand frère. N'importe qui ayant vu ceci de l'extérieur aurait compris qu'il était amoureux, mais pas lui. Il le comprit seulement lorsque Sakurako, combattant sa timidité naturelle, se mit en face de lui, s'agrandit en se mettant sur la pointe des pieds et l'embrassa avant de rentrer chez elle. Pendant une longue année, le jeune homme devint aussi sage qu'un ange, étant le plus gentil et agréable possible malgré son orgueil, qu'il mit de côté. Pendant cette année, tous deux formèrent le parfait petit couple, tous deux aimant l'autre un peu trop passionnément et de son côté, devenant un peu trop jaloux et possessif. Ils étaient heureux, leurs parents aussi. Jusqu'au jour où cette cruche de Sakurako rencontra ce pseudo bad boy du lycée voisin. Nao le connaissait, et il le faisait bien rire. Il rit jaune lorsque sa petite amie romput pour se mettre avec ce crétin. Au début complètement désespéré, il se ressaisit vite et comprit que, comme avec ses bourreaux à Ôsaka, il devait trouver un moyen de se calmer, de se venger. Son esprit tordu se remit en marche et trouva très vite une solution en la personne de Haruka. Cette dernière était la divorcée d'un politicien déchu et devenu alcoolique depuis. Pendant la procédure, elle toucha la moitié de la fortune de cette homme en la raison de la loi du partage de biens et était devenu la propriétaire d'un magot plutôt imposant. Et il avait déjà remarqué que, même en frôlant la quarantaine, elle restait assez jolie. Il avait vu aussi qu'elle était intéressé par les hommes plus jeunes et qu'il lui avait tapé dans l'œil en incarnant le gendre idéal pendant cette année. En garçon gentil, attentionné et serviable qu'il était, il décida d'aider la mère de son ex dans certains de ses travaux. Il fallait savoir qu'en une année, notre petit bonhomme s'était remplumé et paraissait beaucoup moins maigrichon qu'avant. En une seule année, il était passé de ''tapette'' à ''beau mec'' aux yeux de la gent féminine. Chez sa voisine aussi, le processus fonctionnait. Et même mieux que ce qu'il avait osé espérer... Coucher avec une femme vingt ans plus âgée que vous pourrait peut-être vous choquer, vous dégoûter, mais Nao s'en fichait et était prêt à tout pour en faire baver à cette petite conne. Et puis, c'était même assez plaisant, de faire ça avec une personne expérimentée... Plus que de le faire avec... Bref, passons ce sujet qui ne passerait pas à la vue des plus jeunes et innocents d'entre nous. Il lui donna toute l'affection qu'une femme aimerait avoir, le tout sous le nez de son père et de sa famille qui ne se rendirent compte... de rien! Bien sûr, elle criait haut et fort son amour pour son amant, sans que personne ne se doute qu'il était beaucoup plus près d'elle qu'on ne pouvait l'imaginer. Pendant ce temps, Nao souriait à ce genre de déclarations, mais aussi à l'ignorance de son entourage, et se frottait les mains. En effet, tous les mois, Madame Ishimoto lui versait de l'argent sur son propre compte. Bon, en fait, elle ne savait pas vraiment que plusieurs millions de yens lui étaient retirés, mais c'était l'intention qui comptait, n'est-ce pas? Et bien sûr, Nao alla se servir dans les comptes servant aux études de Sakurako et de son frère aîné Shinji, pas dans ceux de Haruka elle-même. Ça serait trop facile et surtout, il se faisait griller trop facilement. Elle se plaignait que ses enfants devenaient trop dépensiers, qu'ils jetaient l'argent par les fenêtres, mais ne diminua pas les sommes pour autant. Ce manège fonctionna pendant plusieurs mois, pendant lesquels il débita près de cinquante millions de yens à sa maîtresse, aveuglée par lui et ce qu'il lui faisait croire. Le tout sans aucun remords; après tout, cet argent lui serait utile... Et s'il pourrissait la vie de l'autre godiche en même temps, c'est encore mieux!
Mais un jour, sa maitresse lui raconta ses doutes; et si ce n'était pas ses enfants qui prenaient autant d'argent? Si on le détournait? Sur le pas de la porte, en train de mettre ses gants pour affronter le froid, il rit de son idée un peu trop fantaisiste. Après tout, les étudiants dépensaient beaucoup d'argent, même lui, toutefois à une échelle différente. Haruka resta sceptique, Nao bouillait. Elle pensait qu'il ne la prenait pas au sérieux, et une dispute s'ensuivit vite. Souvent, quand un couple se chamaillent, ils finissent par ce réconcilier toujours de la même façon. Je passe encore les détails... Mais pas cette fois-ci. Énervée de voir son argent disparaître et celui qu'elle aimait ne pas la croire, elle se mit en colère en prenant Nao comme punching-ball pour mieux se défouler. La dispute s'envenima, Nao la gifla pour qu'elle se calme, elle en vint aux mains. Jamais il ne l'avait vu aussi hystérique – la vache, il comprenait un peu pourquoi son mari avait divorcé... Il mit une main contre son cou pour la calmer, en vain. Il serra sa prise sous le coup de la colère puis elle se tut. Il sera encore, mit ses deux mains, ne se contrôlant plus. Finalement, ce ne fut que lorsqu'elle s'effondra à terre, les lèvres mauves qu'il se ressaisit. Il tenta de la réveiller, de contrôler si au moins elle était encore en vie. Mais non, sa rage avait tué Haruka. Il la lâcha, se plaqua contre le mur et fixa le corps avec de grands yeux, comme si son cerveau lui disait que ce n'était qu'un cauchemar... Il se mordit la joue, se pinça, le corps restait là. Nao ferma le yeux et, avec l'aide de profondes inspirations, se calma. Une idée lui vint en tête: et si ce meurtre pouvait servir sa cause? Il se leva, regarda autour de lui puis remarqua la nappe transparente dans la salle à manger. Il la disposa le plus tranquillement possible dans la chambre principale et retourna dans le couloir afin de la prendre et de la transporter sur cette nappe. Il la déshabilla, au cas où, puis l'emmitoufla dedans jusqu'à ce qu'elle soit bien serrée. Regardant le corps, il fouilla dans le second tiroir de sa commode, celui où se trouvait ses sous-vêtements, les regarda avec une petite moue et sortit le revolver qu'elle tenait caché là. Il se retourna et tira une fois, deux fois à travers la nappe. Le sang commençait à se répandre dans le cercueil transparent qui abriterait Haruka avant d'atteindre sa dernière demeure. Vous vous direz: Mais pourquoi Nao a fait tout ça? Simplement pour se cacher. Ce ne pouvait pas être le crime d'un amant enragé vu la disposition de la scène. Le voisinage reporta les coups de feux entendus dans la maison. A l'annonce de sa mort, il se montra aussi choqué qu'au moment ou tout cela s'était passé. Encore une fois, il avait gagné. En faisant passer ce crime pour l'œuvre d'un psychopathe, lui, le jeune amant éploré, fut innocenté toutefois, on découvrit l'argent qu'il avait détourné. Son père, croyant toujours son fils et jurant à tous sa bonne foi, se mit corps et âme à défendre ses intérêts et il n'écopa de la peine minimale. Le fils Ishimoto fut condamné à sa place à cause d'un alibi qui ne tenait pas la route et une tête de sale gosse. Sakurako, elle, fut incarcérée pour complicité et vit sa vie se déliter sous les yeux de son ex petit-ami, qui avait obtenu sa vengeance. Certes, il éprouvait toujours des remords pour avoir eu ce geste, mais la voir souffrir valait tout l'or du monde.