Lorsque Jin Ki s’était endormi sur son petit banc, il rêva de quelque chose… de différent. Il n’avait jamais fait ce genre de rêve, plus depuis des mois. Il avait rêvé de Yoonah… Mais différemment. La scène avait changé et laissait place à un nouveau décor. Autour d’eux, le monde s’était effacé et réduit au simple décor d’un théâtre dont ils étaient les uniques acteurs. Et ils étaient heureux. A force de se ressasser les mauvais souvenirs, Jin Ki en était parvenu à oublier le reste. Non. Oublier n’était pas le bon mot. Ces fragments de sa vie étaient toujours là, cachés quelque part au fond de sa mémoire. Mais voilà, le reste, beaucoup trop violent, avait pris le dessus. Pourtant, le temps d’une petite sieste, il s’était remémoré les bons moments. Pour la première fois. Il se souvient qu’ils se sont aimés. D’un amour dans le sang. D’une ivresse permanente. Dans l’instant, et, Jin Ki l’avait toujours espéré, dans l’éternité. Et en même temps, la peur était partout. La peur qu’on les découvre, la peur qu’on les sépare, la peur de se retrouver sans oxygène, la peur du manque. D’un côté, c’était une part d’excitation. Et Jin Ki aimait ces moments d’excitation secrète. Il s’en souvient, maintenant. Ils s’en amusaient, se lançaient des défis pour eux. Ils avaient peur et pourtant, riaient à s’en briser les côtes. Il se souvient qu’il devait la kidnapper dans des pièces sombres, à l’abris des regards. Il se souvient de comment il la plaquait contre le mur et la dévorait de la tête aux pieds, de la violence et de la douceur de leurs étreintes. C’était l’évidence et la confusion. Le plus beau de printemps, le plus violent des orages. Et pourtant, ils s’aimaient. Jin Ki l’aimait. Cette fois, ce n’était pas un amour « bouquet de roses », un amour « petits mots doux ». C’était un amour « fer rouge » où l’on arrache plus qu’on ne donne. Il l’avait aimé de tout son cœur. Et puis, tout d’un coup, fin du rêve. La réalité a fini par remporter le match sur l’illusion d’un amour hors du temps. Et c’est brutal. Et ça fait mal. Un matin, les paillettes d’or ont disparu de ses yeux. Un matin, en plein désarroi, il regrette d’avoir croisé l’amour parce qu’à présent, il ne sait plus comment continuer à vivre. Chaque jour, il se convainc que demain ira mieux, que le temps guérit tout, mais, le lendemain, il s’enfonce encore d’avantage. C’est là qu’il aurait du avoir un frère plus âgé, un père, une mère, un meilleur ami, quelqu’un pour lui conseiller justement de ne jamais « donner tout son cœur ». Parce que, lorsqu’on le fait, on prend le risque de ne plus jamais pouvoir aimer par la suite. Mais Jin Ki n’a personne à écouter justement, à part son « grand cœur de grand con ». Jin Ki se réveille en un petit sursaut. Il ne sait pas si c’est à cause de son rêve qui, finalement, comme à chaque fois, était parti en live ou à cause de cette voix, qu’il connaît si bien. Elle lui demande si tout va bien. S’il ne voudrait pas faire un tour avec elle. La première personne sur laquelle son regard se pose est Hwang Yoon Ah, et le blondinet se demande si son rêve est bel et bien fini. Un bref instant, des souvenirs vénéneux remontèrent à la surface comme par effraction. Oui. C’était certain. Leur histoire était ce qu’ils avaient connu de meilleur et de pire. Comme la dope.
Il était pourtant bien le moment de redescendre sur Terre. Fini la sieste, retour à la réalité. Une réalité qui, en ce moment, le dépassait complètement. Un frisson le parcourut de tout son long. Il était resté trop longtemps dans la même position, et puis, il ne faisait pas si chaud que cela. Ce frisson le réveilla complètement, et, subitement, il se redressa sur son banc, se plaçant à la toute extrémité de ce dernier. Il… n’avait pas peur. Enfin, peut-être y avait-il de cela, mais ce n’était pas complètement ça. Il n’en revenait toujours pas. Il avait cette envie de la toucher qui le tentait depuis tout à l’heure, cette envie de la prendre dans ses bras, comme dernière preuve. En même temps, il n‘osait pas. Un cœur peut-il se briser deux fois ? « Tu n’es pas réelle, hein… ? » Sa voix était légèrement cassée, un peu rauque. Il parlait bas, de nouveau, comme s’il ne s’adressait pas à elle. Parce qu’elle ne pouvait pas être là. C’était impossible. Il plongea son regard dans le sien et la fixa sans vaciller. Elle avait l’air si innocente, là, juste à côté de lui, légèrement gênée. Cela se voyait. Pour elle, s’était la première fois qu’ils se rencontraient. Jin Ki pouvait parfaitement le lire dans ses yeux, et c’était bien ça qui le troublait encore plus. Elle paraissait si… honnête. C’était ça, le petit quelque chose qui lui manquait… Dans son regard… Elle ne connaissait pas, plus Jin Ki. Elle lui parlait comme à un inconnu. Dites, et vous, comment réagiriez vous si votre défunt amour refait surface, à l’improviste, et ne semble pas vous reconnaître ? Ahah. La bonne blague. Il n’y a qu’à Jin Ki que ce genre de choses arrivent, voyons. Quelle question ! Jin Ki se pose beaucoup de questions… Certains disent même qu’il pense trop… Mais à celle-là, j’avoue, il n’y avait jamais réfléchi. Il se rappelle de sa requête et se lève du petit banc. Il ne sait ni que faire, ni que dire. Il est complètement désemparé et désorienté. Il improvise, il prend sa main dans la sienne et la fait se lever, elle aussi. Un autre frisson le parcourt. Mais pas le même, cette fois. C’est ce nouveau contact, si simple pourtant. Si quotidien. Et là ça le fait vibrer, parce que ça veut dire que oui, vieux, elle est réelle. C’est pas toi qui disjoncte. Bien. Déjà sûr de ça, il reprit un peu sur lui-même. « Je pense que c’est à moi de savoir certaines choses, non ? » Il repensa alors aux centaines de questions qu’il avait à lui poser. C’était con, mais là, sur le moment, il venait de tout oublier. Ses prunelles toujours perdues dans le regard de la jeune femme, il relâcha progressivement sa main. « J’veux dire… Tu te souviens vraiment pas de moi ? » Il aurait pu lui poser tout un tas de questions sur le fait qu’elle soit toujours en vie,… mais non. Son seul souci avait été de savoir si elle se rappelait de lui ou non. « … de nous ? » Deux mots venaient de s’échapper de sa bouche sans qu’il ne puisse l’en empêcher. Il déglutit difficilement car il avait peur de la réponse. Même s’il la connaissait, au fond. Il sentait les émotions reprendre le dessus, mais les empêchait à chaque fois d’aller trop loin. C’était plus le moment de craquer, hein. Il avait déjà assez perdu le contrôle de lui-même comme ça, non ?