Enregistement n°7 – 23 Novembre 2010: «Bonsoir... Ça fait longtemps que je n'ai plus fait ça, parler à un magnétophone. Vous devez vous demander pourquoi je fais un truc pareil, je me trompe? Eh bien... Hier, je suis allé au parloir voir ma mère. Et elle n'a pas arrêté de m'engueuler sous prétexte que je devais faire ma thérapie. Oui, parler à ce truc pendant une heure, c'est le moyen de ne plus penser à mal, d'après ma mère. Elle en aurait besoin, depuis le temps qu'elle est en taule... Pourquoi elle veut que je fasse des enregistrements pour parler de ce qui ne va pas, et ne pas parler à un psychiatre compétent? Tout simplement parce qu'elle ne veut pas me voir comme compagnon de cellule. Je n'aime pas faire ça, mais je dois avouer que j'en ai besoin, des fois. Surtout que les premiers enregistrements n'ont pas été vraiment concluants... Donc, pour parler de ce qui cloche chez moi, il vaut mieux commencer par le début, vous ne trouvez pas?
I – The beginning of the end.
Shin Tae Jun et Ahn Soo Rin. Un étudiant architecte et une peintre. Vous vous dites qu'ils sont fait pour être ensemble, tous deux dessinant sur des feuilles, non? Pas vraiment. Certes, ils font de jolies formes avec des crayons bien taillés, il n'empêche que ces formes reflètent leurs esprits. Pour ma mère, des formes rondes, douces et apaisantes. Pour mon père, des angles droits partout, durs, remplis de chiffres compliqués. La douceur et l'autorité. Ma mère et mon père. Comme vous pouvez le voir, ils n'ont absolument rien en commun. Et pourtant, ils se sont mariés et ont eu deux enfants. Une fille et un garçon. Seung Yeon et Seung Hyun. Deux prénoms très proches pour des caractères qui le sont tout autant.
Il était une fois... Zappons ceci, vous voulez bien? Commençons bien, commençons avant le commencement. La Genèse, si vous préférez. Seung Yeon est née le 18 Mars 1991, alors que ses parents ne sont pas encore mariés. Nous avons eu donc le droit à un mariage aussi express que majestueux, durant lequel on pouvait voir la robe de mariée de Shin Soo Rin gonfler au-dessus d'un ventre déjà bien arrondi. Pour continuer sur leur lancée, ils ont décidé de d'avoir un fils, pour agrandir cette famille et devenir un modèle de perfection. Ils l'ont eu ce garçon; c'est moi. Je suis né le 2 Juin 1992, quinze mois après ma sœur. Ils ont fait vite... A cette époque, ma mère peignait des tableaux mais n'était pas encore très connue. Mon père, lui, avait ouvert quelques années auparavant un cabinet d'architecte avec deux de ses amis qui commençait tout juste à recevoir de gros clients. Qui dit gros clients dit gros contrats. Qui dit gros contrats dit beaucoup d'argent. C'est à ce moment que nous avons commencé à devenir relativement riches, déménageant en plein cœur de Seoul parce que, d'après mon père, «c'était là où tout se passait et puis, ça faisait classe d'habiter dans la ville.» Malheureusement, c'est à ce moment que sa tête a commencé à se détraquer. Trop d'argent, trop d'importance prise au sein de la société... Il est vite devenu aussi carré et strict que ses plans. Oui, voilà ce qu'il était devenu. Un plan, vide de sens, auquel il manquait quelque chose pour faire de lui une personne normale.
II – Seung Hyun in Wonderland.
Aaah, mon enfance... Belle période dorée où je côtoyais les enfants les plus riches, et où je ne faisais même pas tâche dans le paysage. Nous venions juste de déménager dans la banlieue chic de Seoul, où mon père nous avait fait construire une maison. Il devait d'ailleurs avoir un peu trop fumé quand il en a fait les plans... Toit, murs extérieurs, plancher, tout était fait en verre incassable. Une lubie de Tae Jun, qui pétait sa durite comme il le fallait. Ma mère, au beau milieu de tout ça, se faisait connaître, exposait ses tableaux dans quelques grandes galeries de la capitale, amassait de l'argent en fonction de ses ventes. Une vie de bohème, radicalement opposée à celle de mon père, dont le seul mot à la bouche était profits. Même vous, vous sentez que ça allait bientôt péter... Ma sœur et moi, au beau milieu de tout ça, commencions à aller dans ces écoles prestigieuses, destinées à ces enfants qui sont nés avec une cuillère en argent incrustée de diamants dans la bouche. Nous nous rendions compte de rien, à l'époque. Douceur, calme, beauté. Nous voyions le monde comme ma mère, gai, avec un futur rempli de bonnes choses. Quand j'y repense, cela me paraît comme une bonne blague. Une blague qui a duré pendant plusieurs années, jusqu'à ce que le rideau d'illusions tombe. Ou plutôt, jusqu'à ce que mon père l'arrache de toutes ses forces.
Quand je vous disais que ça allait péter... J'avais sept ans à l'époque. L'âge où on commence à comprendre le monde dans lequel on vit, la vie à laquelle on appartient... Un jour, mon père criait contre ma mère. Pas étonnant en soi, cela arrivait souvent à table. D'un seul coup, il s'est levé, a empoigné les cheveux de ma mère et l'a entrainé par la tignasse jusqu'à leur chambre. Ma sœur et moi sommes restés assis comme des cons à table, ne sachant quoi faire. Après tout, ça arrive souvent qu'un père et une mère se disputent, n'est-ce pas? Nous l'avons entendu hurler nos noms, d'une voix déchirante, comme si on la torturait à mort. Ça a été l'électrochoc pour nous faire bondir de nos chaises et courir jusqu'à la chambre, pour voir une vision digne d'un bon thriller. Ma mère, allongée sur le lit. Mon père, à genoux au-dessus d'elle, alternant coups de poings et coups de ceinture, une main sur sa bouche pour étouffer ses hurlements. Je me souviens aussi du hurlement strident que poussa Seung Yeon lorsqu'elle vit ce tableau. J'étais à côté, trop choqué pour dire quoi que ce soit. Mon père s'est alors tourné vers nous, avec un regard à glacer le sang. A ce moment, j'ai cru qu'il allait nous réserver le même sort que ma mère, qu'il allait nous tuer pour avoir vu cette scène. Il s'avançait vers nous, la ceinture à la main, tandis que derrière, ma mère éclatait en sanglots. Nous étions tétanisés, incapable de bouger; s'il avait voulu nous faire du mal ce jour-là, il l'aurait pu le faire très simplement. Il a claqué la porte devant nous et nous avons entendu ma mère hurler de nouveau. C'est le premier souvenir marquant qui me revient lorsque je pense à mon enfance. Je me souviens également du cauchemar que j'ai fait cette nuit-là. Je suis endormi dans mon lit d'enfant quand on père, avec un masque de diable pour cacher son visage, entre dans ma chambre avec une cravache à la main. Il s'approche de moi et commence à me frapper de toutes ses forces. Je hurle, je hurle, mais personne ne vient l'empêcher de continuer. Je me réveillais souvent pâle comme la mort, la respiration bloquée, les larmes coulant à flots sur mes joues. Je ne me suis pas douté que ce cauchemar refléterait une proche réalité. Quoique, en vérité, l'avenir qui m'attendait était encore pire que ça. Ce n'était plus le Pays des Merveilles à ce point, c'était littéralement le paradis aux tréfonds de la terre.
III – I'm on a highway to Hell...
La vie, c'est beau. La vie, c'est un don que vous a donné Dieu pour accomplir le bien sur Terre... Allez prêcher ailleurs votre bonne parole, hein? Plus cucul et peace and love, tu meurs. Merci monsieur, au revoir monsieur; ne pas oublier d'être poli. Bref. Après cette soirée, ma vie n'a plus du tout été la même. Nous entendions très souvent les cris de ma mère après le repas, sans savoir pourquoi il la tapait comme ça. Bien sûr, à l'époque, je ne me doutais pas qu'il ne faisait pas que la taper. Un cerveau d'enfant ne peut pas assimiler ce genre de choses. Pour oublier, ne pas entendre ce qui se passait dans les murs transparents de cette maison, je me mis à travailler comme un acharné. J'avais huit ans, je récoltais les meilleures notes de toute l'école primaire. Ma mère, à ma demande, m'avait inscrit dans un cours de danse. Je me souviens qu'en rentrant chez moi, le soir, j'esquissais les pas que je venais d'apprendre. Ça mettait en rogne Tae Jun, qui trouvait que je faisais trop de bruit. En réalité, il détestait tout ce qui touchait à l'artistique, ne comprenant pas pourquoi des bons à rien – ça devait être agréable à entendre pour Soo Rin, ça – arrivait à récolter autant de fric. Seung Yeon, elle, faisait tout l'inverse de moi. Elle s'était réfugiée dans son monde, ne travaillait plus, refusait de s'alimenter. Un soir, mon père a voulu la faire venir à table par tous les moyens. Je ne sais pas ce qu'il a fait, mais on a entendu des cris dignes de ceux de ma mère puis des bruits de pas, annonçant l'arrivée de mon aînée suivie de Tae Jun, le sourire aux lèvres. Ce mec, il a jamais dû entendre la bonne parole. Ou alors, il s'est trompé de direction lors du prêche et s'est retrouvé en face de Satan à la place de Dieu. Comme quoi, un rêve d'enfant n'est pas aussi stupide que ça... Jusqu'à présent, vous avez pu constater que je suis épargné par les bonnes grâces de mon géniteur. Quel veinard... Mais c'était trop beau les enfants. Vous voulez entendre la suite et le pétage de plombs définitif – ah parce que là, il est encore assez gentil, mon papa chéri! - de Shin Père? Approchez et suivez-moi. Oui, c'est de ce côté...
J'ai dû déjà vous dire comment mon père avait fondé son cabinet d'architecte, non? Ah, à force de parler, on ne se souvient même plus de ce qu'on dit! Enfin bon. Il l'a créé avec deux de ses camarades d'université, Lee Jin Soo et Kim Jong Hun. Jong Hun et mon père se disputaient les faveurs de grand manitou de la boite tandis que Jin Su, n'en a jamais eu rien à faire. Il se trouve que le 10 Octobre 2001, ce rival potentiel est mort suite à un accident de voiture. Une tragédie pour une personne normale. Une délivrance pour Shin Tae Jun. Plus personne ne pouvait lui prendre la place de big boss, il a d'ailleurs eu un grand plaisir à s'installer dans ce siège confortable. Toutefois, ce statut de PDG du plus grand cabinet d'architectes de Corée du Sud a eu des conséquences désastreuses sur son comportement. Les employés se sont vus dirigés de façon quasi-militaire, Lee Jin Soo était traité de façon subalterne et sa famille comme des merdes sans nom. Oui, il était devenu égocentrique et mégalomane, un vrai petit dictateur qui aurait pu faire peur même à Kim Jong Il. Quoiqu'en fait, égocentrique, il l'a toujours été... Étant le chef, une seule personne pouvait prendre son poste et ce, au moment précis où il l'avait décidé: son fils. Moi, quoi. Sauf que moi, j'en ai jamais eu envie. J'étais doué en maths, certes, mais je préférais la danse et le cinéma aux équations et autres algorithmes. Ce qui avait de quoi lui faire dresser les cheveux sur la tête. Et là, vous vous demandez sans doute: pourquoi moi en particulier, et pas ma sœur? Parce que pour lui, les mœurs étaient restées à celles de l'Europe du XVè siècle. Les femmes étaient impures, les femmes ne servaient juste qu'à faire la bouffe, le ménage et copuler... Charmant. Il nous le rappelait tous les soirs, expliquant à ma sœur qu'elle n'arriverait qu'à faire des gosses dans sa vie, et à ma mère que la seule chose qu'elle devait faire, c'était fermer sa gueule.
Mon enfer personnel a débuté lorsque j'avais dix ans. Ma mère continuait à financer mes cours de danse grâce à la vente de ses tableaux, tous devenant de plus en plus sombre, de plus en plus durs. J'étais rentré un peu tard, voulant apprendre parfaitement une chorégraphie pour la semaine suivante. Tae Jun m'attendait dans la salon, un sourire aux lèvres. J'ai même pas eu besoin de voir ce sourire pour comprendre que j'allais avoir une bonne correction. Je suis tombé suite au croche-pieds qu'il m'a fait et s'agenouilla pour pouvoir mieux me taper. J'avais les yeux fermés, pensant aux mouvements que je venais d'apprendre. La seule chose qui m'avait fait hurler de douleur, c'est le tison à bois qu'il passa lentement dans mon dos après l'avoir laissé dans le feu. Je n'arrivais plus à penser, ma tête ne voulait plus rien voir. Après qu'il ait déversé toute sa haine sur moi, ma mère s'est précipité sur moi, appuyant une de ses mains sur ms cheveux. Je ne savais pas pourquoi; je ne l'ai compris qu'après avoir vu sa main pleine de sang, de mon sang. Je m'étais cogné la tête contre la table basse dans ma chute. Bien sûr, Tae Jun ne s'excusa même pas de m'avoir fait passer à l'hôpital pour trois agrafes dans la tête. Pour lui, c'était une punition comme une autre. Il a commencé comme ça quand j'avais dix ans. Imaginez ce qu'il a pu nous faire ensuite... Je dois dire que moi, au moins, je n'ai pas à me plaindre. Je ne suis pas une fille comme ma sœur, je n'ai eu à subir que des coups.
IV – Can somebody save her?
On va maintenant oublier quatre ans de ma vie. Pourquoi? Parce que vous voulez entendre de quoi chaque jour était fait? Cela vous semblerait monotone. Des hurlements, des cris de douleur – enfin pour Tae Jun, c'était pas à cause de la douleur qu'il gémissait... - , du sang, des coups, des insultes... La routine quoi. Donc, on va aller jusqu'à mes quatorze ans. J'étais alors en deuxième année de collège à Yi Sun Sin. Eh oui, le meilleur collège pour fils de bourges! Merci papa, merci maman. J'étais le meilleur élève de toute ma promotion, mes notes plafonnant les 100 dans presque toutes les matières. Une seule d'entre elles me résistait. En plein dans le mille, c'était les maths. A chaque fois que je ne ramenais pas une note au-dessus de 90 dans cette matière, c'était la fête, à l'occasion de la pendaison de l'idiot du village – moi, si vous préférez. Seung Yeon était au niveau supérieur à Yun Gwan Sun, mais elle ne brillait pas par ses notes. Comme à la maison, elle était victime de ses camarades de classe, qui trouvait étrange qu'elle ne s'intéresse pas aux hommes. Pensant qu'elle était homosexuelle, elle l'ont ignoré, insulté... Si elle savait pourquoi elle ne voulait pas voir la gent masculine, elles trembleraient de peur. Quelles idiotes. Le soir, elle ne rentrait plus, préférant rester dans une boite branchée ou dans un bar que dans un cube de verre froid. Je la comprends. Je l'ai d'ailleurs vite suivi dans ses escapades, la regardant de loin se bourrer la gueule, aguicher les hommes lorsqu'elle était bourrée. Je faisais la même chose de mon côté, sans qu'elle ne me remarque. Ni elle ni moi n'avions de difficulté pour arriver à nos fins. Une de ces filles m'a un jour passé une cigarette. A l'heure où je vous parle, je fume un paquet par jour. Merci madame! Nous ne dormions presque plus à la maison, ou alors, notre mère nous couvrait. Elle a vite pigé ce qui se passait, et nous aidait pour ne pas avoir à le supporter. Sans cette lueur d'espoir, sans nous, je sens qu'elle se serait suicidée il y a des années.
Il faut aussi que je vous raconte mon premier baiser. C'est une épisode de ma vie très... Particulier. Car dans les bars, moi, je ne faisais que draguer et discuter, rien d'autre. Oui, j'étais un gentil garçon, à l'époque... Ce jour-là, ma sœur avait été prise au piège pas deux hommes, voulant l'emmener avec eux satisfaire leurs besoins les plus primaires. Elle protestait, mais je me doutais qu'elle n'allait pas avoir le dessus. Je m'avançai vers elle et mit ma main sur mon épaule. Je devais avoir un peu trop bu pour me faire passer pour son petit ami. Moi, son petit frère, qui faisait vraiment ses quatorze ans? Pourtant, les deux boulets n'ont pas trop insisté, mais en ont profité pour charrier ma sœur sur le fait qu'elle aimait plus les dongsaengs que les oppas. En guise de remerciement, elle m'a sauté dans les bras, priant pour que je sois sanctifié après ma mort, puis elle fit ce que je n'ai pas oublié, et que je n'oublierai jamais... Un câlin entre frère et sœur, ça passe. Un bisou aussi. Mais ce genre de bisous là, non. Bizarrement, j'ai pas trouvé ça désagréable... Je devais vraiment être bourré pour ne pas la repousser.
Quelques temps après cette soirée, Seung Yeon entra dans un autre monde que celui de l'alcool. Plus... psychédélique, celui-ci. Je me suis aussi engouffré dans cette brèche. Ça commence par les drogues douces, comme le cannabis, puis on passe à la cocaïne, aux champignons hallucinogènes, aux amphétamines, au LSD... Enfin, il y a tout le reste. Je sais que ma sœur a touché à tout ça, même à l'héroïne et à la meth'. Je ne suis jamais allé jusque là, mais je dois avouer qu'il y a des nuits où je ne me souviens plus de ce que j'ai fait. Je ne me souviens même plus de la tête de la fille avec qui j'ai perdu ma virginité, c'est dire... Mes notes baissaient, doucement, mais sûrement. En tout cas, assez pour que mon père le remarque et augmente la force et la régularité de ses coups. Ma mère tenta de nous faire reprendre pied à nous deux, nous racontant tout ce qu'elle avait enduré pour qu'on réussisse à faire ce qu'on avait fait, la valeur qu'on avait pour elle. L'auto-destruction, pour elle, c'était niet. Cela m'aida à rejoindre un semblant de vie normale. Enfin, normale, c'est vite dit. Qui veut un Tae Jun aussi gentil et attentionné que le mien? Mon aînée, elle, ne changea pas. Elle est devenue alcoolique, puis droguée, devant moi et je n'ai rien su faire. J'ai essayé de la faire arrêter, impossible. Ma mère et moi avons dû l'enfermer dans sa chambre, lieu de terreur pour elle, lors d'un des déplacements de Shin père. Maintenant, elle n'est plus droguée, certes, mais tout aussi alcoolique qu'avant. Ça, je n'ai jamais pu réussir à lui faire arrêter. Lorsque je lui demande, elle me dit en échange d'arrêter la cigarette. Jamais de la vie, elle a rêvé là! Vous vous dites que l'histoire est finie, que ça finit relativement mieux que ça a commencé... Attendez deux minutes! Ce n'est que le début! Vous croyez qu'on a remonté la pente, que la famille Shin deviendra enfin heureuse et joyeuse, comme dans un épisode de Happy Days? Vous avez de l'espoir.
V – I went to a beautiful world...
Tandis que ma sœur s'enfonçait de plus en plus dans ce monde coloré et artificiel, je devenais, sans que mon père le sache, une personne importante. Non pas pour mes notes en maths, non. Pour mes talents en danse, qui s'étaient encore améliorés au fil des années. A quinze ans, je dansais dans le gymnase du collège lorsqu'un de mes camarades, venant du lycée voisin, est venu me voir pour me demander une chose assez bizarre: il voulait que je lui apprenne les pas que je faisais. Je ne savais pas pourquoi, je m'en fichais, je les lui ai appris avec beaucoup de mal. Quelques mois plus tard, je vis cet homme dans un clip vidéo reproduisant les pas que je lui avais appris. Il est maintenant une idol adulée par des adolescentes jetant toutes ses hormones sur lui. Le pauvre... Il a eu tout de même la bonne idée d'ajouter qu'un jeune garçon – moi, en l'occurrence – lui avait enseigné tous les mouvements et qu'il s'était contenté de les adapter. Jusque là, tout va bien pour moi. J'ai rendu une personne célèbre dans tout le pays; on dit merci à qui? J'aurais d'ailleurs aimé qu'il fasse ses remerciements en privé, le mec. Parce que rendre mon nom public dans le journal du soir, c'était pas, mais alors pas du tout, ce que je désirais. Ce jour-là, nous étions tous à table. Seung Yeon avait eu la mauvaise idée de rester à la maison pour le dîner. A l'annonce de mon nom par ce type, mon père me fixa avec ses yeux devenus noirs de rage. Il me demanda si c'était bien de moi dont ce petit con – je le cite – parlait. Ben oui, je n'ai pas d'homonyme à Yu Sun Sin, que je sache... Le plat principal n'était même pas encore arrivé qu'il s'est levé de la table pour m'entrainer par l'oreille dans ma chambre. J'y ai reçu la correction de ma vie, comme si j'avais fait une connerie sans nom et non pas aider ce débile à se faire connaître, une bonne action en soi. Quoique, ça n'en était pas une pour les oreilles coréennes... Ils doivent encore subir la voix de ce type tous les jours, même aujourd'hui. Au nom de la nation, je m'excuse. Mon père, après m'avoir tapé, utilisé tous les objets possibles à sa disposition pour mieux pouvoir me taper, après avoir craché des insultes qu'un chef romain n'aurait même pas dit à son esclave pour garder un certain contrôle sur soi, a dit qu' «un fils comme moi n'aurait même pas dû sortir du ventre de sa mère.». Il précisa même qu'il aurait dû tuer Soo Rin lorsqu'elle me portait. Pourquoi pas avant, pourquoi pas avant son mariage et la naissance de ma sœur? Pour la simple raison qu'une fille comme Seung Yeon avait une utilité. Celle de bonniche, de punching-ball? Non, vous n'y êtes pas du tout... Tae Jun ne voyait pas sa fille comme son enfant. Ça ne vous aide toujours pas? Okay...
Cette nuit-là, Tae Jun ne s'était toujours pas calmé après m'avoir roué de coups, pété la lèvre et cassé un poignet. Je n'étais pas arrivé à m'endormir, à cause de la douleur qui lançait ma main gauche. Au moins, comme ça, je n'avais pas à rêver d'un beau démon rouge avec la tête de mon géniteur, prêchant l'exécution de ses enfants. Ça faisait trop longtemps qu'il avait donné son âme à ce truc cornu, ce dernier lui donnant en échange plus de fric et de pouvoir qu'il n'aurait jamais pu imaginer. Il avait commis des choses tellement horribles que même le Diable n'aurait pas osé les faire. Mon papa, plus fort que Kim Jong Il et le Diable réunis, la classe, n'est-ce pas? A ce moment, je n'avais pas pensé à une chose. Ça a seulement été au moment où j'ai entendu Seung Yeon hurler au beau milieu de la nuit que j'ai compris ce qui pouvait être pire que battre sa famille et rabaisser les membres de son entreprise. J'ai ouvert la porte de sa chambre, juste à côté de la mienne, pour découvrir l'impensable. Je savais que c'était un monstre, je l'ai toujours su, mais là... J'avais déjà vu ce genre de choses, j'avais déjà fait ce genre de choses, mais je n'avais jamais recouru à cette extrémité pour satisfaire ce besoin. Saviez-vous que toutes les religions ont une chose en commun, à part vénérer des idoles toutes plus différentes et vaines les unes que les autres? Elles interdisaient la même chose, la condamnait à l'Enfer. La chose la plus dégoûtante, la plus inimaginable qui soit. L'inceste. Voir son propre père abuser de sa sœur, vous trouvez ça impossible? Pas moi, depuis que je l'ai vu de mes propres yeux. Je comprends maintenant Seung Yeon et sa tendance à la bouteille. Je comprends aussi le fait qu'elle se fiche royalement de la personne avec qui elle couche. Rien ne peut être pire que son père dans le même lit que soi, et dans soi tout court. Je n'étais plus ce gosse de sept ans que la tétanie prenait à chaque vision d'horreur. Je suis entré sans bruit dans la chambre, j'ai pris la lampe à côté du bureau et j'ai fait ce que j'avais toujours rêvé de faire: frapper mon père, de toutes mes forces, comme il le faisait avec moi. Il s'est retourné, puis après s'être un coup en plein dans le front, il s'est effondré dans le lit, écrasant à moitié ma sœur. Ma mère vit ce tableau du pas de la porte, alertée par le bruit des coups de lampe. L'une des pires journées de ma vie venait de se produire. Ce n'est pas la dernière... Vous croyez vraiment que Papa Shin va se repentir et devenir un bon papa, et que sa femme et ses enfants vont lui pardonner ses actes? On n'est pas dans un conte pour enfants, il faut redescendre sur terre! Depuis le temps que sa tête ne tournait plus rond, le point de non-retour avait été atteint depuis beaucoup trop longtemps.
Après cette journée, Tae Jun me frappa beaucoup moins qu'avant. Eh oui papa chéri, un garçon, ça a autant de force que toi! Je n'ai plus les mêmes bras. Il venait enfin de le comprendre, mais il a vite trouvé une autre méthode pour mettre à bout. Faire hurler ma sœur ou ma mère le plus souvent possible juste après m'avoir enfermé dans ma chambre comme tous les soirs, arrêter les cours que je prenais, faire en sorte que je ne puisse plus travailler, me concentrer... Hitler se serait adoubé devant un connard pareil. Comme l'autrichien à moustache avec sa politique d'extermination des Juifs, il a pratiqué sa politique d'extermination de ma force mentale. Et il a réussi. Mes notes baissaient encore plus, je ne parlais presque plus à mes amis – qui ne savaient rien de ce que je raconte. Pourquoi faire chier les gens avec vos histoires alors que vous êtes sûrs qu'ils ne vous croiront jamais? Enfin, j'ai dû arrêter la danse... Bref, rien n'allait plus. Ce que ma mère m'avait dit un an auparavant restait dans ma tête, mais ne trouvait plus de sens. Mon existence n'avait plus de sens, depuis qu'il en avait supprimé les principaux moteurs. Pourquoi continuer alors que vous êtes en face d'un tyran drogué à la violence? Je sais que ça lui ferait plaisir, mais au point où j'en étais... Un jour où il était en déplacement en Chine, nous nous sommes tous les trois réunis dans la cuisine. On n'avait rien prévu, mais ma mère a allumé le gaz sans rien poser dessus, pour envahir la pièce de monoxyde de carbone. Ma sœur est partie dans la salle de bains chercher tous les somnifères et autres barbituriques possibles, sans oublier la cocaïne bien cachée dans sa chambre. Je suis allé chercher le plus d'alcool possible dans le bar. Nous somme revenus dans la pièce avec nos trouvailles. Ma mère fronça sur les sourcils lorsqu'elle vit la poudre blanche dans les mains de Seung Yeon, mais elle, elle haussa les épaules. De toute façon, on ne pouvait plus rien lui dire. On s'est fait un joyeux cocktail qu'on a divisé en trois et on s'est tout enfilé. Oui, tout. Malheureusement, l'alerte incendie appelant automatiquement les pompiers s'est enclenchée lorsque le monoxyde de carbone a envahi le plafond, faisant cramer le détecteur. Lorsqu'ils sont arrivés, pas de feu, mais trois personnes à terre. Tae Jun fut rapatrié en urgence à Seoul, suite à l'état critique de sa femme et de ses deux enfants. Il est venu nous voir mais nous n'étions pas morts. Dommage pour lui, dommage pour nous. Nous nous en sommes tous les trois sortis, et ce grâce à ce détecteur à incendie défectueux et à un lavage d'estomac rapide. On voulait demander de l'aide, on nous a replacé dans les flammes. Sympa, hein? Nous ne pouvions plus rien faire, Tae Jun ayant tout enfermé et posé des cadenas à codes partout, comme si nous étions des enfants en bas âge. Il nous voulait rien qu'à lui, tout dévoués à ses actes d'amour certains. Un seul moyen était maintenant possible pour tout arrêter. La mort de papa Shin serait le seul moyen d'arrêter la machine avant que l'un d'entre nous ne meure sous ses coups.
VI – I can't give you life, but I could take it away...
Nous y voilà. La raison pour laquelle ma mère veut que je parle à ce truc gris au lieu d'un psychothérapeute surdiplômé. J'avais seize ans... Avant de vous expliquer ce qui s'est passé, il faudrait peut-être que je replace la situation dans son contexte. Après notre expédition familiale aux portes du paradis, mon géniteur se montra encore pire qu'avant. Non seulement il nous traitait comme des bébés mais en plus, ils nous tapait encore plus qu'avant. Tous les soirs, au lieu du dîner, nous avions le droit à une séance de torture collective, à un tel point que mes camarades de classe commençaient à se poser des questions. Mes notes ont augmenté de nouveau, grâce à un travail acharné dans la bibliothèque et j'avais repris la danse en cachette. Mon monde était redevenu comme avant. Beau et rose, digne d'un belle histoire écrite par Grimm. Tout allait bien dans le meilleur des univers, merci.
Ma mère est devenue très célèbre du jour au lendemain, à cause d'un simple tableau sur lequel on pouvait voir un homme du XXIème siècle avec des yeux rouges, une cravache à la main, tyrannisant des salarymen à ses pieds, écrasés les uns contre les autres, priant pour qu'il les gracient. Ce tableau était juste le portait de Tae Jun dans son cabinet d'architecte, dirigeant ses employés comme un état sous la dictature. Les gens ont pensé qu'il s'agissait d'un critique de la société moderne et du capitalisme. Haha, la blague. Grâce à cette mauvaise interprétation, ma mère a vendu tous ses tableaux, gagnant plus d'argent que mon père. D'ailleurs, pour lui, ça n'allait pas fort... Son cabinet recevait moins de commandes, l'argent rentrait moins bien, les bénéfices devenaient quasi nuls. Une situation insupportable pour lui, alors qu'il avait l'habitude de profits colossaux. Ce le mettait en rogne, vous vous en doutez. Sauf que chez vous, se mettre en rogne, c'est râler et être mal luné pendant quelques jours. Chez lui, ce sont des crises de rage qui se répercutent sur ses employés et sa famille, ses subalternes si vous voulez. Ils recevaient les relevés de compte chaque semaine, le jeudi. Chaque jeudi, et ce jusqu'à la fin de la semaine, il était impossible de lui parler sans se manger son poing dans la tronche. Merci de ta gentillesse Papa, surtout que j'ai eu 95 en maths... Oui, c'est arrivé, une fois. Parce qu'il a toujours eu dans la tête que je reprenne son cabinet, que j'intègre la meilleure des écoles d'architecte. Sauf que moi, j'ai toujours voulu devenir danseur ou réalisateur. S'il savait... Bref, j'en étais à où? Ah oui, l'argent. Matière à disputes dans toutes les familles du monde moderne et industrialisé. Chez les Shin, matière à tortures et violences en tout genre. Ça s'est d'ailleurs passé un jeudi... Tout est devenu plus simple à partir de là.
Ce soir-là, il avait encore trouvé un moyen de gueuler en plus du relevé bancaire hebdomadaire. Il a commencé à s'en prendre à la tenue trop provocante de Seung Yeon, qui allait sortir quelques heures plus tard, puis au prix exorbitant de nos frais de scolarité. Moi je m'en foutais, il pouvait me placer dans un lycée public. Je n'avais jamais rien demandé... Ensuite, il en est venu à hurler sur Soo Rin parce qu'il trouvait sa cuisine mauvaise. Tout était prétexte à péter sa durite. Alors, il s'est levé et a commencé à taper sur ma mère avec ses poings, sa fourchette, plantant les dents du couvert dans sa chair sans s'en rendre compte. Les deux gosses se sont bien sûr levés, aidant notre mère à se débarrasser du monstre. Bizarrement, ce jour-là, il s'est retiré, mais nous a tous les deux regardé. Non pas avec des yeux noirs de rage, ce qui rendait la situation plutôt inhabituelle. Il nous a enfin vu tel que nous étions, comme un jeune homme et une femme normaux, des personnes avec un avenir, des projets, une liberté plus ou moins bafouée. Il s'est ensuite jeté sur ma sœur, déchirant ses vêtements en la traitant de pute, la rouant de coups de pieds tandis qu'elle restait allongée sans rien dire. J'ai réussi à le ceinturer et à le repousser à moi tout seul. Comme quoi le sadisme, ça ne fait pas les muscles... Il s'est retrouvé le cul par terre, me regardant comme un abruti. Une situation inversée, avec moi qui le dominait. Le premier réflexe que j'ai eu, c'est d'en rire. De rire de cette situation aussi ridicule. De me foutre de sa gueule comme je ne l'avais fait auparavant. Évidemment, ça ne lui a pas du tout plu. Il s'est levé, m'a mis une claque et est allé dans la chambre. Quand il en est revenu, il avait tous les instruments nécessaires à la séance collective. Sauf qu'à la façon dont il souriait, j'ai compris que elle allait être individuelle, cette fois-ci... Il a tenté de me mettre à terre, mais n'y étais pas arrivé. Je suis peut-être mince comme un fil de fer, mais j'ai plus de muscles que lui, c'est certain. Il m'a mis des coups de poings, de ceinture, de fouet, de tout ce que vous voulez, alors que j'étais debout. Il s'arrêtait à peine, je le fixais. Ça ne me faisait plus rien tout ça. Certes, c'était douloureux, mais c'était pire si on s'écrasait pour laisser faire. Il lâcha tout en retroussant la lèvre et retourna dans la chambre à coucher. Cette fois-ci, c'était un flingue qu'il avait dans les mains. On s'est tous regardé les yeux grands ouverts, il en a ri. Il l'a posé sur la table, a haussé les sourcils et a recommencé ses coups. Il me frappait encore plus fort que d'habitude, et il a réussi à me mettre à terre. Il tapait, tapait encore. Puis il s'est levé, pour prendre un des objets qu'il avait laissé par terre. Je ne sais pas ce qu'il m'a pris à ce moment, mais je me suis redressé et j'ai pris l'arme sur le bord de la table. Lorsqu'il s'est retourné, je la pointais contre lui, tout en étant par terre. Ma mère et ma sœur étaient recroquevillées à l'autre bout de la salle à manger; pendant un instant, on se serait cru dans une scène digne d'un mauvais film d'action. Ouais, voilà. Ma vie jusqu'à ce jour était un mauvais thriller qui s'éternisait et qui avait fini par lasser chacun de ses acteurs. Il me regarda, me demandant gentiment de poser ce joli petit pistolet brillant. Car dans ma main, j'ai pu constater que ce n'était pas un jouet. Il était bien lourd, et chargé qui plus est. J'avais ôté le cran de sécurité, rien que pour voir la peur sur son visage. Je n'avais pas l'intention de tirer, je voulais juste voir à quoi il ressemblait quand il n'avait plus le contrôle sur la situation. Je vais vous avouer que ce n'était vraiment pas beau à voir. La peur dans ses yeux lui donnait une sale tête. Sa boucle tremblait et très vite, il était agenouillé à côté de moi, me suppliant de ne pas tirer. Vraiment crétin. Je le répète, je n'avais pas l'intention de tirer. Il tendit la main vers cette arme et par réflexe, j'ai appuyé. La balle est partie et elle est venue se loger pile entre les deux yeux. Il est parti en arrière, le sang a giclé partout dans la salle à manger et il s'est effondré en avant. Je suis resté planté là, à regarder mon père, comme s'il allait se lever et me taper de nouveau. Ma mère et ma sœur se mirent en face, l'une à ma secouer, l'autre à regarder l'état dans lequel était Tae Jun. Le film était terminé. D'ailleurs, on n'était pas en train de tourner une scène, c'était la réalité. Personne n'allait crier «Coupez!». Mon géniteur n'allait pas se relever, le sourire aux lèvres en riant de ses qualités d'acteur. Oh non. Il était mort, vraiment mort... Je pense que maintenant, après avoir entendu ce genre de choses, vous avez compris pourquoi je dois parler à ce magnétophone... Pour ne pas que quelqu'un sache que j'ai tué mon père.
VII – After the end comes a beautiful nightmare.
Après cette soirée, la police est venue sur les lieux du crime. Whouah, quelle classe! Franchement, on se serait cru dans un épisode des Experts! Quoique, ce n'était pas aussi drôle que ça. Après le coup de feu, ma mère m'a forcé à me relever et à ma déshabiller, faisant une machine d'urgence à froid. Est-ce que vous saviez que le froid était le seul moyen de faire partir du sang? Si on utilise de l'eau chaude, ce liquide crame et devient impossible à enlever... Honnêtement, ça ne m'étonne pas. Surtout celui de feu mon père, il a tellement été habitué au froid polaire de son âme que la chaleur, pour lui, c'était la mort – sans mauvais jeu de mots. Ensuite, elle a pris l'arme que je n'avais toujours pas lâché, l'a nettoyé avec un torchon et l'a tenu durant tout le temps qu'elle exécutait son plan, pour mettre ses empreintes. Pour couronner le tout, elle a tiré une seconde fois sur le cadavre de mon géniteur, cette fois-ci en plein cœur, pour avoir du sang et des traces de poudre sur elle. Seung Yeon n'est finalement pas sortie ce soir-là... Elle me serrait dans ses bras, tandis que je pleurais comme un bébé, comprenant toutes les conséquences de la connerie monumentale que je venais de commettre. Lorsque les flics sont venus, ils avaient leur coupable idéale. Ma mère avoua tout et nous, on ne fit que répéter ce qu'elle nous avait dit de dire aux gentils policiers qui allaient nous la retirer. Cela fonctionna grâce au sang-froid incroyable de Shin Soo Rin, peintre reconnue maintenant devenue meurtrière aux yeux de la nation. Toutefois, ses aveux firent le tour de tous les magazines, expliquant le calvaire qu'elle a vécu pendant plus de dix ans. Ses enfants n'étaient au courant de rien, elle leur a toujours caché ce qu'elle avait enduré. La réputation de Shin Tae Jun s'effrite, puis se brise lorsque les employés racontent eux aussi les traitements princiers auxquels ils ont eu le droit. Lee Jin Soo, le seul créateur restant, a hérité d'une ruine. Merci papa. Aujourd'hui, deux ans après, ma mère est en prison, ma sœur continue à faire les bars le soir et moi, je suis au beau milieu, essayant de terminer mes études lorsque je ne dois pas aller chercher Seung Yeon ivre morte dans je ne sais quel endroit à quatre heures du matin. Je vis toujours dans cette maison en verre mais à deux, elle est devenue vide et froide. Plus de dialogue, plus rien. Tout est calme maintenant. J'ai enfin une vie quasiment normale, si on excepte les cauchemars que je fais, où un diable apparaît dans ma chambre et explose dès que je tente d'utiliser la force. Je devrais vivre avec ça toute ma vie, le fardeau d'avoir tué une personne. Même si je l'avais rêvé maintes fois, je ne l'avais pas voulu, c'est comme ça. Je ne serai jamais une personne normale, pourtant j'essaie de l'être, et ça a l'air de marcher. On verra ce qui se passera par la suite...
Ouh putain, ça, c'était de la thérapie! J'ai passé plus de deux heures à parler de tout et de rien à un truc gris que je ne réécouterai jamais! Je le donnerai à ma mère, elle sera heureuse avec ça... Au moins, je n'ai plus à faire ça. Je n'ai plus qu'à tout ranger dans ma petite tête et vivre comme si j'avais vécu une enfance heureuse et paisible. C'est plus facile que ça en a l'air, en fait...»